J'ai lu avec intérêt et incrédulité la charge de M. Jacques Laurin à l'encontre du Festival International de Jazz de Montréal.Intérêt parce que j'ai du respect et de l'estime pour le musicien qu'il a été. Depuis bien des années, son activisme épisodique semble cependant l'avoir éloigné de son instrument. Incrédulité aussi devant le nombre incroyable de faussetés et d'omissions de mauvaise foi qu'elle recèle.

La première et plus grave omission tient au fait que nulle part M. Laurin ne fait état de ses offres de service professionnel au festival, dont la dernière remonte à mai dernier. Offre terminée par des félicitations pour 30 ans de succès. Qu'on n'ait pas donné de suite à cette proposition a visiblement rendu M. Laurin amer. Il n'en fait pas mention et passe à l'aveugle directement à son odieux règlement de compte.

Première manifestation de mauvaise foi au chapitre des dénominations. Il ne semble pas apprécier que Maison du Festival Rio Tinto Alcan s'appelle ainsi en mettant en opposition un supposé «Dizzy Gillespie Coca Cola Jazz Club», la plus petite salle du complexe Jazz at Lincoln Center dirigé par Wynton Marsalis à New York. Or cette salle se nomme Dizzy's Club Coca Cola. On n'y retrouve ni le nom de famille du grand musicien ni le mot jazz. D'ailleurs, les deux autres salles plus importantes du complexe ont pour nom la Allen Room (Allen&Co, une firme d' investissement) et Fred P. Rose Hall, constructeur de gratte-ciels de la ville. Ces donateurs (Rose, Allen et Coca-Cola) ont contribué à hauteur de 10 millions de dollars chacun sur un coût de construction de 128 millions. La ville de New York elle-même y est allée d' une contribution de 32 millions, soit le double de ce qu'a coûté notre aménagement.

On voit qu'on ne parle pas du même genre de budget à Montréal...

Ce qui n'empêchera pas notre notre édifice (orné à l'extérieur de photos géantes de 26 légendes du jazz en dont six d'ici) de servir à nos musiciens de jazz avec entre autres sa salle L'Astral, sa médiathèque et ses locaux de répétition. Wynton Marsalis quant à lui nous a félicité publiquement de l'initiative et des efforts déployés.

À vouloir poursuivre l'injuste comparaison avec New York, capitale mondiale du jazz, M. Laurin occulte cependant complètement le fait que Jazz at Lincoln Center a aussi recours à des artistes provenant d'autres sphères, tels Willie Nelson ou Calexico que j' ai eu le plaisir d'y applaudir ces dernières années. Sans compter les orchestres classiques et les compagnies de danse qui aident M. Marsalis à boucler son budget de fonctionnement de 42 millions l'an dernier.

De la même facon, continuer de prétendre que rien n'est fait au niveau du jazz d'ici au Festival fait injure à la réalité et aux centaines de nos musiciens qui chaque année se produisent sur nos scènes, autant en salle (Wilfrid-Pelletier, Maisonneuve, Jean-Duceppe, Club Soda, Métropolis, Cinémathèque Québécoise, L' Astral) que sur toutes nos scènes extérieures.

En plus de la série Jazz d'Ici, une institution de notre programmation depuis très longtemps et entièrement dédiée aux meilleurs musiciens de notre ville, toutes les autres séries de concerts voient aussi de musiciens locaux se mettre en valeur. Mentionnons les Oliver Jones, Lorraine Desmarais, Alain Caron, Francois Bourassa, Terez Montcalm et bien d'autres cette année encore.

M. Laurin a raison de parler des programmes d'universités, de cégeps et d'écoles secondaires qui font une place au jazz. A-t-il seulement remarqué à notre programmation 22 groupes de ce milieu provenant des quatre coins de la province? Sait-il que le Camp de Blues en parallèle au festival fait vivre à 60 adolescents une expérience de vie et de scène qu' ils ne sont pas près d'oublier? Sait-il aussi que le Festival encourage par des bourses tous les programmes universitaires en jazz de notre ville?

Le dépit rageur de M. Laurin et ses commentaires blessants ne contribuent en rien à l'amélioration de quoi que ce soit et lui font perdre toute perspective.

Déplorable.



L'auteur est premier vice-président et cofondateur du Festival international de jazz de Montréal.