Quand le président Obama remettra la Médaille de la liberté à 16 personnalités américaines et internationales qui sont des «acteurs de changement», lors d'une cérémonie aujourd'hui à la Maison-Blanche, l'un des émérites liera M. Obama aussi bien à son passé qu'au futur qu'il est si désireux de construire.

Quand le président Obama remettra la Médaille de la liberté à 16 personnalités américaines et internationales qui sont des «acteurs de changement», lors d'une cérémonie aujourd'hui à la Maison-Blanche, l'un des émérites liera M. Obama aussi bien à son passé qu'au futur qu'il est si désireux de construire.

Parmi ceux qui se verront décerner la plus haute distinction civile américaine, sera présent le professeur Muhammad Yunus, fondateur de la Grameen Bank au Bangladesh, qui prête aux plus pauvres du pays des sommes très réduites dans le but de leur permettre d'exercer une activité indépendante. Tout comme Barack Obama, le professeur Yunus est l'un des champions du monde de l'esprit «Yes we can».

Le Canada a été témoin de cet esprit lorsqu'il a été hôte du Sommet mondial du microcrédit en 2006 à Halifax, juste un mois après que le professeur Yunus et la Grameen Bank, qu'il a fondé, aient gagné le prix Nobel de la paix.

Il y a quelques dizaines d'années, le professeur d'économie décrivait sa recherche de nouveaux clients pour sa banque comme «une quête au plus timide». Il ne recherchait pas les villageois qui faisaient le premier pas pour lui demander des microprêts (au départ d'une valeur inférieure à 10$), il voulait avant tout atteindre ceux qui étaient les plus réticents à se manifester et qui croyaient le moins en leurs capacités.

Trente-trois ans plus tard, près de huit millions de membres de la Grameen Bank (soit un total de 40 millions de personnes, si l'on compte les membres de leurs familles) crient «Yes we can» au monde entier. Depuis ses débuts, la Grameen Bank a prêté plus de 8 milliards de dollars aux pauvres du Bangladesh.

M. Yunus a eu sa propre révélation du «Yes, we can» lorsqu'il était encore un jeune professeur d'économie et qu'il fut confronté à l'atrocité de la famine dans son pays. Il fut tant secoué par l'idée que les gens meurent de faim en masse qu'en mettant les pieds à Jobra, le village à proximité du campus où il enseignait, tout ce qu'il voulait était voir s'il pouvait être utile à une personne pour une journée. Non pas 40 millions, juste une. C'est dans ce village qu'il a fait la rencontre de cette fabricante de tabourets et a été horrifié d'apprendre qu'elle ne gagnait que deux centimes par jour pour son bel artisanat. Sans argent pour acheter le bambou dont elle avait besoin, Sufia Khatun était contrainte d'emprunter de l'argent à un prêteur qui, en retour, exigeait qu'elle lui vende le produit fini à un prix qu'il fixait lui-même et si dérisoire que son profit journalier n'était que de 2 centimes.

Quand il lui demanda si elle pourrait gagner plus en étant libérée du prêteur, elle lui répondit «Yes I can». M. Yunus demanda à l'un de ses étudiants de recenser d'autres villageois se trouvant confrontés à ce même dilemme. L'étudiant trouva 42 villageois nécessitant un montant total de 27$ pour rembourser le prêteur, acheter leur matière première et vendre leurs articles au plus offrant. C'est bien cela. Tout ce dont ces villageois avaient besoin était de 68 centimes chacun en moyenne. Grâce à ce prêt de mois d'un dollar, le profit de la fabricante de tabourets passa de 2 centimes à 1,25$ par jour.

Aujourd'hui, le professeur Yunus a jeté son dévolu sur des titans du commerce et de l'industrie avec son concept de commerce social et les dirigeants de Danone, Intel et BASF sillonnent le chemin du «Yes we can» jusqu'à sa porte pour créer un nouveau type de business zéro-profit/zéro-pertes ayant pour unique objectif d'améliorer la vie des gens. Les entreprises qui investissent dans ces projets sociaux peuvent récupérer la totalité du capital initial qu'ils y ont investi, mais ensuite, les profits générés sont entièrement réinvestis dans cette nouvelle entreprise.

Ces différentes collaborations comprennent: une coentreprise avec Danone qui produit actuellement des yaourts enrichis en compléments nutritionnels afin de combler les carences des habitants de ces villages. Un autre accord passé avec BASF permet de produire des moustiquaires traitées chimiquement afin de protéger les villageois des moustiques pouvant être porteurs de la malaria. Enfin, Intel a entrepris de rendre la technologie de l'information et de la communication accessible aux zones rurales.

Quand le président des États-Unis serrera la main du microbanquier bangladeshi lors de la cérémonie à la Maison-Blanche, il touchera à son propre passé et au travail de microfinance auquel sa mère s'est dédiée en Indonésie. Et quand le professeur Yunus inaugurera, en avril prochain, le Sommet du microcrédit 2010 à Nairobi, au Kenya, le microbanquier bangladeshi ouvrira alors un nouveau chapitre de la microfinance non seulement dans le pays qui a vu naître le père du président américain, mais aussi sur tout le reste du continent africain.

M. Obama devrait accompagner Muhammad Yunus lors de ce Sommet au Kenya pour se joindre à l'appel le plus exaltant du microbanquier. Le Canada peut suivre l'exemple des États-Unis, du comité du prix Nobel et d'autres dans le monde qui saluent les réalisations de ce champion mondial.

Depuis 1985, le Canada a octroyé la citoyenneté canadienne honoraire seulement cinq fois. En octroyant cet honneur au professeur Yunus, le Canada n'honorerait pas seulement l'homme, il releverait son défi de cantonner la pauvreté dans les musées auxquels elle appartient.

L'auteur est le fondateur de la campagne du Sommet du microcrédit qui vise à s'assurer que 175 millions des familles les plus pauvres de la Terre reçoivent un microcrédit (www.microcreditsummit.org).