C'est avec beaucoup de plaisir et de satisfaction intellectuelle que j'ai pris connaissance des analyses proposées notamment par Ariane Krol et Yves Boisvert, analyses concernant ces êtres merveilleux, ces «rebelles» des temps modernes que sont les Hells Angels.

Quant à moi, dans toute cette question du crime «organisé» et «motorisé», ce qui n'a jamais cesser de me fasciner en tant que sociologue, c'est cette «tranche» de la population qui, de manière plus ou moins accentuée, regarde avec une certaine admiration et une certaine ferveur fanatique ces crapules et ces canailles. Il faut vraiment être en manque de modèles concrets de rebelles et de provocateurs (ou d'insurgés) pour ainsi glorifier et vénérer de petits bandits «capitalistes» qui ont décidé de gagner le pactole en se mettant hors la loi et en ne respectant rien ni personne.

Cette vénération était encore plus visible lorsque sévissait le gros Maurice. Des personnes, dans des avions ou dans des pays du sud, se réjouissaient d'avoir été photographiées en compagnie du «gros». Des personnes n'en revenaient pas d'avoir ainsi eu la chance de serrer les pinces d'un des grands héros de la québécitude.

Il y a six ou sept ans, j'enseignais encore la sociologie et un motard repenti (et en probation) suivait mon cours de sociologie, bien encadré par la direction du collège. Il m'a longuement parlé du groupe de motards criminalisés auquel il avait appartenu et des faramineuses sommes d'argent qu'il gagnait. Mais il a toujours ajouté qu'appartenir à un tel groupe était loin d'être le paradis que certains imaginent. Chacun se méfiait de tous les autres et tous vivaient dans la crainte permanente de la police et surtout dans la crainte obsédante des autres salopards, tous groupes confondus.

J'espère que comme modèles de «révolte» nous trouverons mieux que ces motards ou que les petits «anarchistes» de pacotille qui ne manquent aucune manifestation et qui pensent attaquer l'ordre établi lorsqu'ils cassent des vitrines ou «se battent» avec les «méchants policiers».

Il y a assurément des raisons de se révolter mais il faut quand même choisir des modèles appropriés.

L'auteur est sociologue des médias.