Les récentes déclarations du pape, selon lesquelles le port du condom risque d'aggraver l'épidémie du sida, ont suscité de nombreuses réactions dans la presse québécoise. En effet, les opposants au discours papal soulèvent notamment la question de la désinformation (le port du condom est un moyen très efficace pour prévenir la transmission du VIH), de la moralité (à savoir, une certaine vision religieuse de la sexualité) et du pouvoir symbolique du Saint-Père (vu l'importance de son discours pour les catholiques du monde entier).

Mais jusqu'à présent au Québec, on ne s'est pas encore penché sur la situation particulière des personnes séropositives.Bien sûr, dire que le port du condom peut aggraver l'épidémie du sida relève de la mésinformation. Il faut donc dénoncer de tels propos. Néanmoins, cette discussion tourne souvent autour de l'importance de protéger les individus non infectés par le VIH et néglige les porteurs du virus.

Or, comme le soulignent beaucoup de personnes atteintes du VIH qui sont aussi militantes, si on sait qu'on a été contaminé, porter le condom est un geste de responsabilité et de solidarité. À cet effet, tout cadre médiatique mettant l'accent sur l'infection des plus « vulnérables « risque d'occulter l'importante contribution à la lutte contre le virus de celles et ceux vivant avec le VIH/sida, y compris sur le plan de la prévention. De plus, un tel discours risque de renforcer une image assez négative des séropositifs, qu'on tient responsables de la propagation de la maladie.

S'ajoute à cette problématique le contexte juridique. Au Canada, lorsqu'une personne séropositive a des rapports sexuels non protégés sans divulguer son statut à ses partenaires, elle peut être condamnée en vertu de la loi fédérale. Appeler la population à ne pas porter de condom revient par conséquent à demander aux Canadiens séropositifs de ne pas respecter le cadre juridique du pays. À cet égard, le discours papal soulève une contradiction fondamentale entre la doctrine de l'Église et la loi de l'État canadien.

La référence à cette loi ne veut pas dire qu'on appuie un contexte juridique dans lequel les séropositifs sont poursuivis en justice. Lorsqu'il est question de rapports sexuels, toutes les personnes concernées sont responsables - qu'on soit infecté ou non par le VIH ou qu'on l'ignore.

Nos réflexions communes sur ces déclarations peuvent aller au-delà d'une analyse de la mésinformation. Étant donné la couverture médiatique de cette affaire, on voit bien qu'encore une fois, les personnes séropositives sont blâmées et culpabilisées pour la transmission du VIH.

L'auteure est titulaire de la Chaire de recherche sur le VIH/sida et sur la santé sexuelle et professeure agrégée à l'Institut Simone-de-Beauvoir de l'Université Concordia.