Depuis plusieurs mois, le ministre de la Santé s'acharne sur les pharmaciens. Les sommes perçues par les pharmaciens sont au centre de ses préoccupations et les multiples lois, règlements et amendements visent continuellement le coût des services pharmaceutiques, comme s'ils étaient à eux seuls responsables de tous les problèmes du budget alloué à la santé. Or seulement 8 % des dépenses en santé concernent les médicaments, dont 3 % concernent les honoraires pharmaceutiques.

On semble oublier ici que le coût des médicaments augmente, que les médecins font plus de prescriptions (notamment en raison du vieillissement de la population) et donc que les honoraires des pharmaciens ne peuvent être à eux seuls la cause de tous les maux.

Et on semble surtout oublier qu'au-delà de son coût, le travail du pharmacien a une valeur.

Prenons premièrement le coût du service pour les assurés RAMQ. Le pharmacien reçoit pratiquement la même somme, qu'il s'agisse d'une nouvelle ordonnance ou d'un renouvellement, peu importe que le conseil associé soit complexe ou non, que le dossier nécessite un suivi étroit ou non. Je laisse ici de côté le rapport coûtant du médicament et honoraire du pharmacien.

DES HONORAIRES NON MAJORÉS

J'estime que ces honoraires uniques, non majorés depuis plusieurs années (inchangés depuis 1997, pour être exacte), ne sont pas représentatifs de la valeur réelle du service offert par le pharmacien. Celui-ci est même sous-payé.

Pour les assurés au privé, le coût du service pharmaceutique, qu'il soit détaillé ou non sur la facture, représente un ensemble de frais, dont le montant réel du service pharmaceutique. Concernant les honoraires sur un médicament, qui peut dire ce qui couvre réellement le service cognitif fourni par le pharmacien ?

Le ministre Barrette veut obliger les pharmaciens à ventiler leur facture afin que les clients soient mieux informés du coût du service pharmaceutique. Pour aller au bout de ce raisonnement, un pharmacien pourrait comptabiliser tous ses frais fixes et les diviser par son nombre moyen d'ordonnances en un an. Il prévoirait ensuite un montant juste et raisonnable pour ses honoraires en prenant en considération la complexité du conseil et du suivi liés au type de médicament.

Chacun de ces montants, ajouté au prix coûtant du médicament, serait clairement inscrit sur la facture. Ainsi le client serait réellement informé de la valeur du service qu'il reçoit.

Il en est de même pour les conseils pour les médicaments en vente libre. Coût : nul. Valeur ? Avons-nous sauvé une visite chez le médecin ? Avons-nous prévenu un mauvais usage de la médication ? Avons-nous mis notre expertise au service du client ? Il est faux de penser que le temps que nous y avons passé est couvert par les quelques dollars de profit faits sur le produit vendu, une fois nos frais fixes couverts.

Demandez simplement à un client :  « Pour vous, la consultation que vous venez d'avoir avec le pharmacien vaut combien ? » et vous aurez votre réponse.

Combien d'autres professionnels de la santé sont aussi disponibles, de jour comme de soir, tous les jours de la semaine, et offrent des consultations gratuitement ? Cela a également, je crois, de la valeur pour la société.

Et ce, sans compter toutes les interventions que nous faisons gratuitement pour les assurés au privé.

À titre d'exemple, j'ai pris le temps d'intervenir dans le dossier d'un patient atteint d'asthme allergique et de MPOC qui éprouvait des difficultés respiratoires fréquentes. Suivi d'adhésion, explication sur la place de chaque médicament dans le traitement, révision de la technique d'utilisation, ajustement du traitement après une communication avec le médecin, suivis subséquents, etc. Temps investi : au moins une heure au total. Coût facturé : 0 $ (assureur privé). Valeur du service pour le patient : inestimable !

Valeur du service pour la société : consultations médicales et visites à l'urgence évitées : 700 $/jour.

Les différents acteurs dans le domaine de la santé sont d'accord sur ce point : la présence et l'intervention du pharmacien favorisent une meilleure utilisation de la médication, optimisent les traitements, réduisent les cascades médicamenteuses et évite des hospitalisations. Pourquoi alors ne pas lui offrir davantage de moyens pour améliorer la pharmacothérapie ? Encourageons le travail cognitif plutôt que la distribution. Rémunérons les revues de médication, optimisons la rédaction d'opinions (pourquoi pas un montant pour les opinions simples et un autre, bonifié, pour les complexes ?) et surtout, étendons la couverture par la RAMQ de ces actes aux assurés du privé. Car lorsque ces personnes consultent un médecin ou sont hospitalisées, c'est l'argent public qui est investi.