Si les dépenses de consommation des ménages québécois sont demeurées relativement stables au cours des dernières années, on ne peut pas dire que les ventes des détaillants, notamment ceux qui ne se sont pas adaptés aux nouvelles technologies, ont su maintenir le rythme.

Mexx, Jacob, Future Shop, Bovet ou American Apparel, le nombre de points de vente désormais disparus est impressionnant. Pourtant, la naissance de nouveaux concepts l'est tout autant. Bon Look, Altitude sports, Frank & Oak, Primeau vélo, voici quelques exemples de commerces qui, chacun à leur manière, ont réinventé leur pratique.

On le devine bien, si plusieurs détaillants ferment alors que d'autres naissent, c'est en grande partie le fait des ventes qui se font de plus en plus en ligne.

À cet effet, dans une nouvelle analyse exhaustive du phénomène, Statistique Canada a publié à la mi-novembre un état précis de la situation. Pour la première moitié de 2016, ce sont 4 % des produits achetés par les Canadiens qui l'ont été en ligne. Ce chiffre exclut bien entendu les services tels que les billets de théâtre ou d'avion ainsi que les produits numériques comme la musique ou les vidéos. Si l'on exclut de ce chiffre les achats alimentaires ou liés à la voiture (le plein d'essence ou la pose de pneus), cette proportion monte à 8 %. Or, 8 %, c'est, à peu de choses près, la proportion de pieds carrés dévolus au commerce et qui ne sont plus requis par les détaillants.

Normal, on vend plus en ligne, on vend moins en magasin. Les détaillants investissent plus sur leur site web, ils investissent moins dans leurs magasins traditionnels.

Or, chose intéressante, ce phénomène ne s'explique pas tant par le fait qu'il y ait moins de détaillants que par la tendance de ceux-ci à exercer leurs activités dans de plus petits magasins.

Au fur et à mesure que les consommateurs fréquentent les sites de détaillants, ils ont tendance à commander en ligne les produits pour lesquels ils ne souhaitent pas avoir à se déplacer, soit parce qu'ils connaissent ces produits, soit parce qu'ils ne veulent pas avoir à les emporter avec eux.

Le magasin sert alors davantage de salle d'exposition que de mini-entrepôt.

Pour des détaillants ayant pignon sur rue dans les centres-villes, que ce soit à Montréal, New York, Québec ou Paris, bref là où le pied carré est plus onéreux, les économies sont réelles et les occasions nombreuses. C'est en bonne partie ce qui explique pourquoi la croissance des ventes de Wal-Mart au cours de la dernière année n'a pas dépassé 1,7 %, alors que celle de Walmart.com a été supérieure à 30 %.

Bref, des magasins plus petits, plus édéniques, basés sur l'expérience plutôt que sur la simple disponibilité du produit, mais également des magasins de plus en plus situés à proximité des consommateurs, souvent dans les bonnes vieilles artères commerciales. Par contre, contrairement à ce que l'on voyait il y a quelques décennies, des artères commerciales où les marchands sont plus petits et donc plus variés et plus nombreux.

DES EXEMPLES

Impossible ? Bien au contraire. Parmi les commerces les plus en croissance du monde on retrouve, en Europe, les Carrefour City et les Tesco, ces petits magasins d'alimentation, issus de mégamagasins, implantés dans les artères commerciales des villes. Aux États-Unis, on voit s'implanter, sur Manhattan, un Target trois fois plus petit que les magasins phares de cette enseigne. Juste au sud de Montréal, la ville de Burlington est à redévelopper son centre-ville autour d'un tel concept : plus de magasins, plus de variété, mais des surfaces plus petites.

Bref, en même temps que les consommateurs découvrent l'intérêt d'acheter en ligne pour des produits à faible implication émotive, ils redécouvrent l'intérêt des commerces de proximité dont certains combinent aussi l'efficacité du commerce en ligne. Imaginez visiter huit magasins, essayer les produits, en acheter un certain nombre pour ensuite tout vous faire livrer en une seule fois.

Déjà ici, on voit poindre des artères commerciales qui flirtent avec ces idées, deux sont à suivre, l'avenue Wellington à Verdun ainsi que la 3Avenue à Limoilou.

Reste désormais à repenser nos artères les plus significatives que sont Saint-Denis, Saint-Laurent et, bien entendu, Sainte-Catherine à Montréal. Toutes ont un point en commun, elles se situent au coeur de la mouvance et des occasions du commerce de détail du XXIe siècle. Pourtant, toutes sont actuellement à risque si rien de conséquent ou d'innovateur n'est entrepris.