Il m'a fallu 15 longues années avant de m'avouer que j'avais été victime d'une agression sexuelle. Quinze ans à me dire que je n'aurais pas dû porter cette robe, que je n'aurais pas dû accepter d'aller à ce chalet, à me reprocher de l'avoir tenté. Quinze ans à me faire violence en me répétant les arguments d'un agresseur qui voulait me rendre coupable de ses actes alors qu'il en était le seul responsable.

Un jour ça suffit, la souffrance nous rattrape et on éclate.

À ce moment-là, toutes nos énergies sont requises pour nous remettre sur pied. Dénoncer ? Peut-être, un jour. Cependant, là nous avons besoin de toutes nos forces pour nous reconstruire, prendre soin de soi, se libérer de ce sentiment de culpabilité de ne pas avoir repoussé assez fort notre agresseur, de ne pas avoir dit suffisamment de fois « non ».

La victime d'une agression est consciente des contradictions de son histoire, elle en vient parfois même à douter elle-même de sa véracité.

Pourtant, elle se souvient distinctement de la grande peur qu'elle a ressentie, de son corps qui refusait de réagir malgré les phrases qui tournaient en boucle dans sa tête à ce moment-là : « Pousse-le, donne-lui un coup de pied, crie, mords », et ce sentiment de perte de contact avec la réalité lorsque son agresseur s'est retiré et qu'elle s'est habillée machinalement.

La peur est la meilleure arme de l'agresseur. Accompagnée d'une bonne capacité à manipuler, à faire en sorte que la victime se sente honteuse, coupable de l'agression, là vous avez une bombe entre les mains. S'il-vous-plaît, au lieu d'enfoncer plus profondément dans nos têtes ce sentiment, tel que notre agresseur l'a fait, aidez-nous donc à nous en libérer.