Pour ceux qui les pratiquent, les sports extrêmes sont une source d'adrénaline hors du commun. Il faut cependant avoir le coeur solide pour s'y adonner. Pousser la machine à la limite peut mener à un dépassement extraordinaire ou à des blessures qui peuvent être fatales.

À la lecture de l'énoncé économique du gouvernement Trudeau, on constate que Bill Morneau a l'étoffe pour se qualifier aux X Games. Il a décidé de jouer le tout pour le tout. En mettant l'ensemble de ses ressources sur les infrastructures, le gouvernement libéral fait le pari qu'il pourra relancer l'économie tout en assurant une transition vers des créneaux d'avenir. Ottawa ajoute ainsi près de 12 milliards sur 5 ans à la somme annoncée en mars dernier.

Le projet de la Banque d'infrastructure, inspiré par l'initiative québécoise du train électrique de la Caisse de dépôt, suscite aussi des questions. On y investit beaucoup d'argent, mais encore faut-il savoir s'il y aura du rendement... Le modèle semble offrir un potentiel intéressant pour ce qui est de l'effet levier. Il laisse cependant plusieurs questions en suspens. Quel sera le niveau d'engagement et d'emprise des différents ordres de gouvernement sur les différents projets qui seront mis en branle ? Quels seront les modèles économiques qui permettront à la fois de rentabiliser les projets, tout en assurant l'accès équitable aux contribuables ?

Les investissements dans la réfection des infrastructures et la diversification économique se feront sur plusieurs années. Le message envoyé : les réponses et les résultats n'arriveront pas rapidement.

On peut certes saluer toute vision à long terme. Malgré des attentes élevées, le projet du ministre fédéral des Finances ne s'accompagne cependant pas de solutions pour répondre aux enjeux immédiats. Aucun plan de retour à l'équilibre avant au moins cinq ans n'est prévu.

Au contraire, l'endettement semble être la seule option du gouvernement Trudeau.

Une fois la machine ouverte, il ne semble pas y avoir de limite au crédit. Le « léger » déficit promis de 10 milliards de dollars est rendu à 25,1 milliards. Personne au sein de l'équipe gouvernementale ne semble s'en alarmer... À partir du moment où l'on se donne le droit de ne pas équilibrer le budget, on perd la notion de l'ampleur du montant. Et on perd aussi la mémoire de l'héritage de Paul Martin.

Loin de s'alarmer, le gouvernement dit faire mieux que prévu. Le déficit serait moins important que les 29,4 milliards de dollars annoncés lors du budget. Cependant, quand on y regarde de plus près, on réalise que les provisions de 6 milliards qui avaient été faites en prévision d'un climat économique moins clément ont totalement disparu.

Pourquoi ? Les perspectives de croissance seraient plus stables qu'en mars dernier si l'on en croit le secrétaire parlementaire du ministre des Finances, François-Philippe Champagne. Cette explication tient difficilement la route. L'OCDE a abaissé les perspectives de croissance de l'économie canadienne d'un demi-point à 1,2 pas plus tard qu'en septembre dernier.

Peu importe, la prudence n'a plus la cote. Il faut de l'audace en matière budgétaire ! Lors de son passage au Canada il y a quelques semaines, Christine Lagarde disait souhaiter voir le Canada être un exemple dans le monde. La directrice du Fonds monétaire international est devenue une nouvelle caution pour le ministre.

On serait même porté à croire que le déficit zéro est devenu un concept un peu rétro qui fait tellement 2014.

L'approche fédérale extrême fait contraste avec celle du gouvernement du Québec et même avec celle du FMI de l'ère pré-Trudeau. Loin de l'austérité, le balancier des finances publiques fédérales passe dans la zone de l'extrême dépense. Il rappelle aussi le débalancement des besoins qui sont dans les provinces et les déficits à Ottawa.

Historiquement, en période de récession les gouvernements avaient du lest en matière de déficit budgétaire. La conjoncture, comme celle de 2008, donnait une grande liberté sur le plan des dépenses, pour autant que la promesse de jours meilleurs et d'équilibre budgétaire pointe à l'horizon.

Il est vrai que le mandat électoral obtenu par Justin Trudeau prévoyait une croissance des dépenses et une approche différente de celle des conservateurs. Or, l'important déficit libéral est à contresens de l'ère Martin. Sans cible de retour à l'équilibre budgétaire, l'approche du gouvernement nous rappelle davantage 1976. Il faudrait lui rappeler que nous sommes en 2016...