Représentant respectivement les premier, troisième et quatrième pays du monde en termes de superficie, le triangle Russie-Chine-États-Unis influence de façon importante l'état du monde.

Ses relations ont connu des transformations importantes au cours du dernier demi-siècle. Alors qu'États-Unis et Chine communiste s'opposaient pendant la Seconde Guerre mondiale, la guerre froide a amené à un rapprochement sino-américain stratégique face à l'Union soviétique. L'évolution récente des rapports entre Moscou et Pékin est marquée par des développements importants dans la mesure où une solidarité entre les deux capitales se manifeste sur un certain nombre de dossiers comme la Syrie, la Libye, l'Ukraine ou le rôle de l'ONU, sur lesquels ils se trouvent ensemble en opposition face à l'Occident. Pour comprendre cette évolution, il convient de revenir d'abord sur les difficultés des relations russo-américaines.

ÉTATS-UNIS-RUSSIE : DIFFICULTÉS BILATÉRALES

Des efforts sérieux ont été déployés visant à normaliser les relations russo-américaines, tels que l'appui de la Russie à l'intervention militaire des États-Unis en Afghanistan au lendemain du 11-Septembre ou le programme de « redémarrage » lancé par les administrations de Barack Obama et de Dmitri Medvedev.

Cependant, plutôt que d'apaiser les suspicions et les hostilités héritées du passé, le temps écoulé depuis la fin de la guerre froide n'a fait que rendre plus important le fossé d'idées qui sépare les États-Unis et la Russie.

En effet, durant les deux mandats de Barack Obama, plusieurs dissensions significatives ont contribué à diviser davantage les deux parties : le conflit en Syrie, la crise ukrainienne, le déploiement d'un système antimissile américain aux pays périphériques de la Russie.

La politique extérieure vis-à-vis de la Russie est un sujet qui oppose les deux candidats de la course à la Maison-Blanche. Le républicain Donald Trump plaide pour des relations plus constructives avec Moscou, dans l'optique de combattre le groupe État islamique (EI) ensemble. La position de la candidate démocrate Hillary Clinton est plus hostile à la Russie.

Pour les vétérans de la nouvelle guerre froide, la Russie est l'ennemi numéro un qui veut affaiblir les États-Unis. La question qui mérite d'être posée est la suivante : la Russie a-t-elle les moyens de ses ambitions géopolitiques ? La réponse est prévisible. La Russie traverse, depuis 2014, la plus grave récession depuis la fin de l'URSS. Avec une économie surdépendante aux cours mondiaux des matières premières, la chute des prix du pétrole a lourdement entravé ses actions extérieures. De plus, personne n'est intéressé à une confrontation entre deux puissances qui contrôlent plus de 90 % des armes nucléaires mondiales.

Rappelons que la Russie est le pays qui fournit le plus de combattants à l'EI, venant essentiellement du Caucase. Une déstabilisation, voire un effondrement de la Fédération de Russie marquerait le début d'un nouveau foyer djihadiste dans les pays d'Asie centrale qui résistent jusqu'à présent à l'infiltration de l'islamiste radical. Une telle situation serait catastrophique pour l'Occident.

UN AXE MOSCOU-PÉKIN SANS WASHINGTON ?

La réponse de Moscou au sérieux raidissement des relations avec les États-Unis ainsi qu'avec les pays de l'Union européenne à la suite des conflits ukrainiens est l'accélération de rapprochements avec la Chine, comme on le voit particulièrement dans le secteur de l'énergie. En 2015, la Russie a augmenté ses livraisons de pétrole à la Chine de 43 %, devenant le premier fournisseur d'or noir de cette dernière.

L'alliance sino-russe avance à grande vitesse avec le lancement de la nouvelle route de la soie, qui vise à construire un gigantesque réseau de coopération transeurasiatique dans lequel les États-Unis brillent par leur absence.

Reste à savoir si cet axe sino-russe sera durable. Certes, Pékin a besoin d'un appui ferme de Moscou dans plusieurs dossiers épineux régionaux (Taïwan, Xinjiang, mer de Chine méridionale). En même temps, la Chine cherche à maintenir une relation pragmatique avec Washington, qui reste son principal partenaire commercial, malgré des relations mouvementées entre ces deux premières puissances économiques mondiales.

* Chercheuse associée au Centre d'études sur l'intégration et la mondialisation à l'UQAM