Devons-nous, ou pas, taxer ou surtaxer les boissons sucrées ? Devons-nous hausser les recommandations gouvernementales sur les portions quotidiennes de fruits et légumes ? Toutes sortes de sujets alimentaires se bousculent sur la place publique depuis quelques jours puisqu'Ottawa et Québec sont tous les deux maintenant officiellement plongés dans de vastes consultations sur nos assiettes.

Dans ce contexte, chacun y va de sa suggestion sur l'ingrédient ou la politique miracle qui va finalement régler tous nos problèmes, dont principalement, sans la nommer, la croissance de l'obésité au sein de la population.

À chaque fois, comme on le fait depuis des décennies, on retape sur le même clou. On se demande comment apprendre ou comment faire comprendre aux gens l'art de manger moins de calories. Même si, en se répétant ainsi, on ne va absolument nulle part.

Parfois, j'ai l'impression d'assister à une rencontre de médecins du Moyen Âge se demandant combien faire de saignées pour guérir leurs malades...

Oui, de saignées.

Recommander sans plus d'aide à une personne en surpoids de manger moins de gras et de sucre, c'est à peu près aussi utile qu'une saignée. Les études sont claires : 95 % des régimes destinés à la perte de poids échouent à l'intérieur de cinq ans. Il y a les beaux principes et il y a la réalité.

Quand va-t-on finir par réaliser et accepter que la population est assez intelligente pour avoir compris les messages de santé publique.

DES MESSAGES DÉJÀ COMPRIS

Quand, comme la médecine l'a finalement fait après avoir saisi que les saignées ne servaient à rien, va-t-on commencer à chercher les solutions ailleurs ?

Parce qu'elles sont ailleurs et elles existent, on ne veut juste pas les regarder.

Dans ma pratique, je vois des personnes qui veulent perdre du poids tous les jours. C'est ma job. Jour après jour, je constate que les kilos qui les tracassent sont sources de souffrances, et parfois, ils ne le réalisent pas au début car perdre du poids est rendu tellement banal. Vouloir changer son corps n'a pourtant rien d'anodin.

Et croyez-moi, ces gens savent très bien que s'ils sont là où ils sont, ce n'est pas parce qu'on ne les a pas bien informés sur les bienfaits des crudités et les dangers des excès de Nutella.

Ils sont rendus là parce qu'une multitude de facteurs se sont combinés. Ensemble, on regarde les besoins qu'ils comblent avec la nourriture et ils comprennent que leurs kilos en trop constituent la pointe d'un iceberg pas mal plus complexe qu'ils ne l'imaginaient.

Ce dont ils ont besoin et ce qu'il faut leur apprendre, c'est comment manger pour répondre à leurs besoins physiologiques en leur permettant de reconnaître quand ils ont faim et quand ils n'ont plus faim pour qu'ils retrouvent leur poids naturel, des informations que le corps nous fournit instinctivement mais dont notre éducation, notre culture et maintenant toute la société nous ont débranchés.

Alors, quand vont-ils comprendre que ce n'est pas le sucre qui rend obèse, c'est en manger trop pour ensuite, très souvent, se priver.

Excès-privation est un mélange explosif. Essayons donc d'aider les gens à manger juste assez en continuant de vivre leur vie. Nous ne sommes pas nos propres ennemis à faire maigrir malgré nous ! Notre équilibre, notre bonheur, notre plaisir doivent faire partie de la solution. Sans ça, on n'y arrive pas.

Parce que les changements de comportements face à la nourriture dont je parle sont possibles. Je le répète, on peut réapprendre à manger juste assez. Je le vois tous les jours. Et ça ne prend pas des mois ni de gros investissements puisque la technologie nous aide maintenant à rejoindre tout le monde facilement sans même devoir sortir de chez soi. On pense à tort que ce genre de services de soutien personnalisés ou en groupe sont chers. Mais encore faut-il avoir la volonté de parler de poids autrement.

Si on veut que la population mange mieux, cessons de faire la morale, essayons d'écouter les mangeurs et agissons pour remettre le bon sens, la compassion et l'intuition à table.

Pour avoir des résultats différents, il faut penser et agir différemment.

C'est le temps, maintenant.

* L'auteure est fondatrice et présidente de la clinique Muula et coauteure du best-seller Mangez et de Kilos zen, un nouveau livre sur le bonheur de manger juste assez, paru récemment aux Éditions La Presse.