Baignée depuis plus de 40 ans dans le milieu de la santé par mon conjoint interposé, je me suis permis d'écrire une série de cinq romans portant sur la vie quotidienne d'une clinique médicale très peu fictive, il va de soi. Je n'aurais jamais pu inventer pareilles histoires !

Depuis trois ans, j'ai parcouru les magazines, les fascicules, les dépliants et les communiqués du ministre Barrette, que reçoit mon toubib d'amoureux à chaque semaine. Des études apparaissent puis d'autres viennent les contredire. Le milieu de la santé est un long fleuve tourmenté.

Quand il va bien, nous bénéficions, bien sûr, du meilleur système de santé au monde. Quand il va mal, le ministre s'esquive et remet les problèmes aux infirmières, aux directeurs des hôpitaux, aux médecins.

J'ai analysé pour des fins romanesques le quotidien des CHSLD, des cliniques privées, des entreprises pharmaceutiques, du milieu juridique, et surtout, les liens précieux qui unissent la plupart des médecins de famille et leurs patients.

J'ai eu la chance que mon conjoint soit une sorte de Marcus Welby qui appelle ses patients à la maison quand il a des résultats à leur annoncer, qui accompagne ses cancéreux avec affection, ayant jadis choisi la médecine comme une vocation.

Quelles sont mes conclusions après l'écriture de ces cinq romans sur le système de santé québécois et une grande quantité de recherches ?

D'après mes propres observations, toutes les conversations sont axées sur le médecin.

SEPT MINUTES

« Mon docteur veut pas que je mange de sel, mon docteur m'a chicané parce que ma pression est haute. » Attablée seule dans un restaurant, j'ai constaté que ça prend en moyenne 7 minutes pour que deux amis, assis ensemble pour un dîner, parlent de leur santé. Quand un travailleur a besoin d'un congé, c'est presque toujours chez son médecin qu'il a un rendez-vous. Quand une maman a besoin de rester à la maison avec son enfant malade, elle doit apporter une autorisation de son docteur à son patron.

D'une part, le médecin est le centre du quotidien des Québécois, d'une autre, on lui tape sur le crâne pour expliquer l'échec du système de santé.

Maintenant, parlons donc de nous, les patients.

Est-ce que nous prenons vraiment notre santé en main ? N'y a-t-il pas une surutilisation de nos urgences, de nos GMF, du cabinet des médecins ? Docteur Maman a-t-elle perdu ses talents de guérisseuse ? Fini le « becquer bobo », le mercurochrome, la mouche de moutarde pour les petites bronchites, l'antiphlogistine pour les douleurs musculaires, le sel en gargarisme pour les maux de gorge ? N'avons-nous pas perdu le sens des responsabilités ?

On a accusé les directeurs des établissements de santé, les spécialistes, les infirmières, les médecins de famille qui ne travaillent pas assez fort, on a même instauré un site internet dégradant dans lequel les patients sont appelés à juger et à évaluer leur médecin en indiquant son nom et l'adresse de son cabinet ! Faut le faire !

À QUI LA FAUTE ?

Il y a de mauvais médecins, sans doute. Mais il y a toute une horde de mauvais patients qui, malgré un début d'emphysème, continuent à fumer, qui ne font pas d'exercice, qui mangent du fast-food, qui sont grossiers et qui mentent comme des arracheurs de dents.

Et si c'était eux qui font de notre système de santé un échec ?

Si c'était notre surconsommation des soins de santé qui nuit à la fluidité des urgences ?

Si ça faisait tous notre affaire que les médias accusent les médecins de famille ?

En tout cas, j'aurai passé trois ans à écrire une série pour faire comprendre ça à mes lecteurs. La vérité toute crue, c'est ce qu'ils souhaitent, vraiment ?