« Ce n'est qu'une pub. Ce n'est qu'une pub. »

En plus, si on en parle trop, on la sert, cette pub.

On fait circuler l'idée.

On rend le tout encore plus prégnant dans les pensées, dans les psychés-éponges de nos filles, de nos amies, de nos fils aussi, tiens.

On a envie de souffler dessus pour qu'elle s'éteigne, cette idée, mais voilà, on nous l'impose.

À grands coups de panneau de 10 pieds sur 20 pieds, posé là en toute désinvolture, comme si de rien n'était, comme si ce qu'on y vendait ne représentait pas, en soi, une insulte de plus à l'endroit des femmes, de leur corps, et, cette fois-ci, de ce qu'elles ont de plus intime.

On se la prend pourtant en pleine gueule, l'image, en revenant de la garderie, de l'école secondaire, avec nos enfants à l'arrière de la voiture, qui posent peut-être la question : « Qu'est-ce que c'est, maman, le zipper ? »

Au début, on essaie bien d'y voir autre chose que ce qu'on y comprend. Mais voilà, on a beau être réduite encore ici à un objet, on a bel et bien une tête qui pense et qui sait faire des liens, même quand ceux-ci nous donnent aussitôt la nausée.

Le zipper, les mots « rajeunissement » et « génital » un à côté de l'autre.

Difficile alors de ne pas être giflée par toute l'hypocrisie contenue dans cette pub, toute la douce violence qu'elle nous envoie.

Sans le dire directement, comme une agression passive au sommet de sa forme. Parce que c'est bel et bien du sexe des femmes qu'on nous parle. Celui qui, semble-t-il, devrait être source de complexe, qu'il faudrait bien « refermer un peu », question de rajouter un pan de plus à tous les morceaux de corps auxquels une femme doit être attentive si elle veut traverser la vie, « sans complexe ». Bien sûr ! Qui veut vivre « avec des complexes ? »

Difficile de ne pas éprouver un profond malaise devant l'absence totale d'éthique et de courage de la propriétaire de la clinique qui, questionnée sur ce qu'elle impose à nos regards, refuse de commenter, prétextant de mauvaises expériences avec les médias.

IMPOSER UNE IMAGE

Dommage que, pour cette femme, la sphère publique ne soit utile que lorsqu'il s'agit d'imposer aux femmes de la ville une image de leur sexe apparentée à une fermeture éclair qui aurait besoin d'être remontée.

Dommage qu'elle n'ait pas appris à justifier ce que les termes « sans complexe », « confiance » et « confort » insinuent lorsqu'ils sont associés à l'idée qu'une femme se fait de l'apparence de sa vulve. Possiblement parce que justifier l'indéfendable lui est difficile, à elle aussi.

Dommage, parce que j'aurais aimé qu'elle m'aide à répondre à l'enfant qui me questionne sur ce que le zipper représente, quand on sort de la Biblairie située juste en face.

Dommage, parce que j'aurais aimé qu'elle m'aide à démêler les pensées des jeunes filles que je reçois dans ma pratique, écrasées déjà par les critères qu'on impose à leur corps en puberté. J'aurais aimé qu'elle m'aide à justifier comment le recours à une telle chirurgie peut mener à « plus de confiance et de confort ».

Vraiment ?

La confiance se loge donc maintenant au creux des cuisses des filles ?

Ne suffit plus qu'elles se privent de manger pour qu'elles ne se touchent pas, ces cuisses, qu'elles se surentraînent pour ne jamais accumuler de mou nulle part.

Non, elles devront maintenant se souvenir qu'on les juge aussi à partir de l'apparence de leur vulve, de l'étroitesse de leur vagin.

Elles se rappelleront ainsi qu'après avoir enfanté, il sera important qu'elles se re-drapent l'intérieur, pour plus de « confort », bien sûr. Pour elles, le confort, n'est-ce pas ?

Dommage. Moi, qui croyais que la confiance se bâtissait plutôt sur le culte de l'unicité de la beauté de chaque fille/femme. Moi qui croyais que nourrir ce qui nous distingue les unes des autres, lutter contre l'hégémonie d'une beauté standardisée, lisse et sans texture, c'était ça qui menait à une vie « sans complexe ».

Je reprendrai donc à nouveau cette pensée pour moi-même et cesserai de m'attendre à un minimum de décence de la part des chirurgiens esthétiques et des publicitaires de ma ville.

Nathalie Plaat, psychologue