Depuis peu, la sénatrice Nancy Greene Raine joue le rôle de protectrice des enfants. En effet, cette dernière vient de déposer un projet de loi qui interdirait les jouets qui viennent avec des repas en restauration rapide et dans les boîtes de céréales, et ce, partout au Canada. S'il est adopté, le projet concernerait aussi la publicité qui vise les enfants, soit une loi que l'on retrouve déjà au Québec depuis 1978. Bref, ce projet de loi fait beaucoup jaser.

Or, la pensée derrière ce projet de loi a tout de même du mérite, puisque le taux d'obésité chez les jeunes est en hausse et que plusieurs études montrent que la santé des jeunes se détériore tranquillement. Ainsi, la sénatrice Green Rain évoque qu'une telle loi protégerait les plus vulnérables de notre société, soit les enfants.

Ce qui n'empêche pas certains consommateurs de réagir à la nouvelle, décriant que l'État s'ingère dans la vie personnelle des individus, laissant ainsi le gouvernement choisir pour les citoyens. Bref, c'est principalement l'oeuvre de l'État moraliste qui rend certains mal à l'aise, puisqu'un État qui estime important de protéger les consommateurs d'eux-mêmes est voué à trouver des ennemis qui se sentent dans l'obligation d'éliminer toute menace pour le consommateur précaire. Rappelons que, pendant des années, c'était le tabac et, maintenant, c'est le sucre et le sodium.

La problématique, c'est que l'approche de l'État moraliste se conjugue très mal avec une économie ouverte comme la nôtre, surtout lorsqu'une mesure implique le domaine agroalimentaire. 

La loi québécoise adoptée il y a plus de 30 ans et qui interdit la publicité auprès des enfants s'avère inefficace, puisque les enfants ont tout de même accès à des publicités, et ce, malgré l'interdiction québécoise. Ainsi, la portée de ce genre d'approche atteint rapidement ses limites et il faut reconnaître que le Québec et le Canada ne sont pas isolés du reste du monde.

Dans le cas où le projet de loi serait adopté, l'ensemble des multinationales qui vendent des produits alimentaires réviserait sûrement ses stratégies, surtout celle qui concerne la transformation alimentaire. En effet, le marché canadien n'est pas très grand et celui du Québec l'est encore moins. L'adoption d'une telle loi pourrait avoir comme conséquence de décourager certaines entreprises agroalimentaires à développer une approche mercantile propre au Canada afin de s'ajuster aux nouvelles règles. Ainsi, puisque beaucoup de produits transformés sont importés, la disparition de nombreux produits populaires est une véritable possibilité. Ce qui n'empêche pas certains de le souhaiter probablement, puisqu'une panoplie de ces produits n'ont pas la cote auprès des parents soucieux de la santé de leurs enfants.

DES RÈGLEMENTS QUI PÉNALISENT

Néanmoins, une telle loi peut, en quelque sorte, devenir une mesure protectionniste, diminuer la compétition sur nos marchés et augmenter les prix alimentaires. Or, pour les individus qui sont financièrement à l'aise, c'est une chose, mais pour les familles moins nanties, ce n'est certainement pas une bonne nouvelle, puisque le fait de réglementer davantage vient souvent pénaliser ceux que l'on veut protéger. À défaut de ne pas avoir davantage de transformateurs alimentaires, ce ne sont pas les enfants qui sont vulnérables, mais plutôt les parents dépourvus de choix de produits locaux transformés. Il s'agit d'une réalité économique que nous devons accepter, du moins pour l'instant.

Bien qu'il existe des entreprises qui vendent des produits santé à valeur nutritionnelle élevée qui sont dignes d'une attention accrue, pour ces produits, l'usage de jouets ou de personnages animés n'est pas une pratique commune, mais elle devrait être encouragée et valorisée.

Au bout du compte, même s'il ne s'agit que d'un projet de loi et que nous sommes loin de la coupe aux lèvres, s'il est adopté, les parents n'auraient plus l'occasion d'éduquer leurs enfants dans un monde imparfait. Adopter ce projet de loi équivaut à enlever le droit au consommateur de choisir et de ne pas reconnaître son pouvoir compromet le contrat moral qui existe entre l'industrie et les citoyens. En principe, ce contrat repose sur une confiance inconditionnelle qui ne s'impose guère, mais qui s'acquiert.