Pierre Renaud était un homme qui ne restait jamais inactif. Un vrai démesuré qui était à la fois attachant et presque inquiétant.

Parce qu'il était difficile d'échapper à sa verve. Et que ses affections comme ses aversions n'étaient pas discrètes. Un homme à la fois fébrile et touchant. Parce qu'il aimait profondément ce qu'il faisait, parce qu'être libraire était sa passion, j'avais de l'affection pour lui.

Je le revois en train de regarder des piles de livres et de les ajuster avec une précision maniaque.

Un souvenir me revient.

C'était le temps des Fêtes, à quelques jours de Noël. J'étais allée acheter des cadeaux chez Renaud-Bray. Quand Pierre m'avait attrapée par le bras pour me montrer un livre, il avait été impossible d'échapper à son emprise. « As-tu lu ça ? C'est fantastique ! » « As-tu vu ça ? Pas possible de dire autant de faussetés... » « Tiens, regarde ça : le plus beau livre pour enfants que j'ai vu depuis longtemps ! Regarde comme il faut : il y a des dessins fantastiques ! »

Et ça continuait, il m'entraînait presque dans tout le magasin et, pendant ce temps-là, je tenais les quelques livres sélectionnés serrés sur ma poitrine, de peur qu'il ne les juge sévèrement et cherche à m'imposer d'autres titres.

Parce qu'il était comme ça : fou de livres, passionné par certains auteurs, ulcéré par d'autres. Il avait des opinions et il les partageait avec une énergie rare.

Pierre Renaud avait un enthousiasme irrépressible. Il pouvait devenir périlleux de le rencontrer quand on était pressé, mais quand on avait un peu de temps, cet homme touchant à force d'émotivité devenait un témoin incroyable de ce qui fait ma vie : les livres.

Le voilà dans une autre dimension et, s'il y a quelqu'un à convaincre de la valeur d'un livre dans cette dimension, il va s'y mettre, j'en suis certaine.

Marie Laberge