Le Québec a à coeur de rendre l'éducation accessible au plus grand nombre.

Pourtant, au sein des cégeps, les systèmes parallèles de la formation régulière et de la formation continue fonctionnent sur un mode « deux poids, deux mesures » à l'origine d'inégalités inacceptables.

En théorie, la formation continue part d'une belle idée : offrir aux professionnels, aux anciens décrocheurs et aux curieux de tout genre la possibilité de suivre des cours sans les contraintes que peuvent présenter les programmes réguliers.

On peut obtenir des préalables pour devenir admissible à la formation qui nous intéresse, perfectionner ses connaissances dans un domaine ciblé, ou simplement suivre un cours ou deux au gré de ses intérêts. Les classes ont lieu le soir et la fin de semaine, ce qui les rend compatibles avec les obligations d'un emploi. Mais en pratique, la formation continue crée de nombreuses injustices pour les enseignants comme pour les élèves.

Le plus souvent, les enseignants de la formation régulière et de la formation continue sont engagés selon les mêmes critères, avec les mêmes diplômes, pour donner les mêmes cours. Mais la ressemblance s'arrête là. Les enseignants à la formation continue sont rémunérés par heure de cours enseignée. Pour une charge annuelle complète, leur salaire correspond à environ 55 % de celui de leurs homologues de la formation régulière, dont le salaire inclut aussi le temps d'encadrement des élèves en dehors de la salle de classe, par exemple répondre à leurs courriels ou donner aux élèves avec des besoins spéciaux, qui sont de plus en plus nombreux à intégrer (et à enrichir) les cégeps, le temps supplémentaire dont ils ont besoin.

En sciences, une enseignante titulaire d'une maîtrise avec cinq ans d'expérience et travaillant à temps plein gagne 29 822 $ par année. En donnant les mêmes cours le jour ou la semaine, elle toucherait 53 374 $ et serait payée pour offrir à ses élèves le soutien nécessaire à leur réussite.

DES EMPLOYÉS CONTRACTUELS

Contrairement à leurs collègues de la formation régulière, les enseignants de la formation continue sont contractuels. Souvent informés la semaine précédant la rentrée (quand ce n'est pas le jour même) du nombre et des types de cours qu'ils donneront, ces enseignants ne savent jamais d'un trimestre à l'autre s'ils auront un emploi ou pas.

Entre deux trimestres, la plupart doivent demander l'assurance-emploi en croisant les doigts pour ne pas en dépendre trop longtemps. Ils n'ont ni assurance médicale, invalidité ou accident, ni congés de maladie, ni congés payés tout court.

La situation n'est pas plus enviable du côté des élèves.

À l'heure où ces derniers arrivent au cégep, les bibliothèques et les services d'aide aux élèves sont fermés. S'ils veulent communiquer avec leurs enseignants ou les voir hors des heures de cours, ils n'ont qu'à espérer que leurs enseignants accepteront de travailler gratuitement, une situation ingrate pour les enseignants et pour les élèves. Et pour moins de services, les élèves de la formation continue paient plus que leurs camarades de jour. Une réalité décourageante pour tous, où les curieux risquent de ne pas le rester longtemps.

En période de débat sur la justice sociale au Québec, il est grand temps de donner aux enseignants et aux élèves de la formation continue des conditions de travail et d'études plus égalitaires.