Certains parents m'ont témoigné avoir presque 1000 $ à débourser pour acquitter les droits de scolarité de leurs deux enfants inscrits à l'école secondaire « publique » !

La gratuité scolaire semble révolue. Rien n'est gratuit, pas même le droit de s'instruire et d'apprendre pour acquérir une formation de base. L'égalité des chances est une valeur que nous avons délaissée.

À l'école publique aujourd'hui, vous avez droit à différents services et outils selon ce que vous déboursez. Vous pouvez aller au théâtre, visiter des musées, écouter un concert, etc. Puis, si vous payez moins, vous en avez moins ; si vous ne payez pas...

Lorsque des parents reçoivent une facture allant jusqu'à plus de 500 $ par enfant, c'est qu'ils ont inscrit leur progéniture dans un programme spécial pour répondre à ses intérêts. Spontanément, cela peut sembler juste. Ils en veulent plus, ils payent plus. Par conséquent, ceux qui en veulent moins payent moins. Cela vous semble juste, n'est-ce pas ?

COMPÉTITION ET CLIENTÉLISME

Les programmes particuliers sont devenus une source de financement pour les établissements scolaires. Alors, les écoles n'hésitent pas à publiciser activement leurs programmes et inciter les jeunes à s'y inscrire. Elles rivalisent entre elles. La compétition et le clientélisme existent même au secteur public. Bien que cela force les équipes-écoles à se mobiliser et faire preuve de créativité dans l'élaboration de leur projet éducatif, des iniquités peuvent laisser des jeunes sur la touche.

Qu'advient-il quand un enfant a de l'intérêt ou du talent pour s'inscrire dans des concentrations particulières, et que ses parents ne disposent pas des ressources nécessaires face au « marché scolaire » pour lui permettre d'assouvir ses passions ?

Alors cet élève ne profite pas des mêmes moyens ni des ressources comparables à ses pairs pour poursuivre sa formation. Certains s'en aperçoivent très tôt ; dès le primaire. Cela se répercute sur leur motivation et leur persévérance scolaire.

Ce qui demeure plus navrant, c'est que le principe d'égalité ou de justice selon lequel on modélise nos écoles publiques nuit aux intérêts de toute la collectivité. En effet, les iniquités scolaires sont intimement reliées à une problématique qui gangrène tout le Québec : la sous-performance économique. Cependant, cette réalité échappe aux yeux de la majorité, à mon avis.

Je suis conscient que nos élèves « performent » remarquablement aux tests PISA. Cependant, ceux-là ne représentent qu'un échantillon de l'ensemble des jeunes qui fréquentent nos écoles. Qui plus est, certains d'entre eux ont déjà abandonné l'école avant d'être en âge pour participer aux PISA. Dans les faits, nos élèves demeurent moins nombreux qu'ailleurs à terminer une formation qualifiante. Néanmoins, cette formation s'avère appropriée.

D'ailleurs de nombreux enseignants doivent faire un travail hors pair, compte tenu des moyens dont ils disposent, puisque les élèves qui demeurent en classe se distinguent sur la scène internationale. Voilà un indice qui témoigne que notre système fonctionne pour quelques-uns. Certes, il y a des lacunes. Notre système scolaire peut être optimisé, voire actualisé, mais il n'a nul besoin de subir une sempiternelle réforme de ses programmes pédagogiques.

Le défi du réseau scolaire québécois revient à se doter des conditions nécessaires pour garder plus de jeunes en classe jusqu'à ce qu'ils obtiennent une qualification probante pour intégrer le marché du travail. Dans une telle perspective, les droits de scolarité à l'école publique peuvent être inéquitables puisqu'ils restreignent l'accès des jeunes et des adolescents issus de milieux socioéconomiques plus difficiles à une expérience scolaire stimulante comparable à celle de leurs pairs.

Je me soucie de cette problématique pour notre intérêt à tous. En soustrayant les ressources dûment requises aux jeunes issus des milieux les plus à risque pour leur offrir des chances égales, nous minons notre développement économique collectif.