La nouvelle du surplus budgétaire de 1,8 milliard du gouvernement du Québec en a surpris plus d'un, moi le premier.

En l'espace de quelques heures suivant la tombée de cette nouvelle, deux clans se sont rapidement positionnés pour l'utilisation de ce surplus inattendu.

D'un côté, les partisans du réinvestissement dans les services publics, qui estiment que les orientations budgétaires du gouvernement ont eu un impact sévère sur la quantité et la qualité des services offerts, et qui souhaitent en récupérer une partie.

À l'opposé, il y a les partisans de l'accroissement du revenu disponible net. Ces derniers allèguent que les sacrifices des dernières années méritent une forme de récompense par une baisse d'impôts ou une baisse tarifaire. D'un côté comme de l'autre, je déplore une vision à très courte vue sans tenir compte d'autres facteurs qui m'apparaissent importants.

Une hirondelle ne fait pas le printemps, comme dit l'adage. La modeste croissance économique de l'année 2015 s'est avérée un peu plus forte que prévu, ce qui a engendré des revenus additionnels pour le gouvernement du Québec. Surtout que l'impôt sur le revenu pour la même période n'a pas subi de changements.

En passant, c'est aussi vrai pour les impôts fédéraux perçus au Québec : les revenus sont supérieurs à ceux qui étaient escomptés. Mais dans le contexte économique mondial, c'est-à-dire le ralentissement de la croissance en Asie et les répercussions à moyen terme du Brexit sur le marché européen, tôt ou tard, ces influences pourraient affecter l'économie québécoise, donc ses revenus fiscaux.

Le deuxième facteur de prudence à considérer est celui de la péréquation canadienne. Le Québec bénéficie encore d'une stabilité des paiements pour deux ans, mais par la suite, l'avenir est plutôt ombragé. 

L'économie de plusieurs provinces productrices de pétrole ne va pas très bien et tôt ou tard, ceci aura un impact sur la péréquation. Dans cette perspective, si le Québec venait à voir son montant de péréquation diminuer d'un, deux ou trois milliards dans deux ou trois ans, cela pourrait sérieusement remettre en question l'équilibre budgétaire si chèrement atteint.

Ainsi, j'estime que le gouvernement du Québec doit agir avec une grande sagesse sur l'utilisation de ce surplus-surprise. La tentation sera grande de plaire, d'une part, aux groupes de pression et, d'autre part, à la population en augmentant les services récurrents d'année en année.

Pour les partisans des baisses d'impôts, il faudra garder à l'esprit que celles-ci pourraient être très éphémères si les revenus de l'État venaient à fléchir. De plus, 1,8 milliard divisé entre les 6,4 millions de contribuables québécois représente un modeste 281,25 $. Si le gouvernement prend cette voie, il faudra qu'il gère sérieusement les attentes. Sans compter que cela pourrait alimenter le cynisme à deux ans des prochaines élections.

Par prudence, et au risque de ne plaire à aucun partisan de l'une ou l'autre des options énoncées, il serait préférable de mettre en réserve ce surplus au Fonds des générations, car ses effets seront durables dans le temps sur la réduction de la dette et l'amélioration du taux d'emprunt.

Une autre possibilité tout aussi durable serait d'investir cette somme dans les infrastructures ayant un besoin criant d'être rénovées ou reconstruites. Je pense notamment à des infrastructures de proximité, telles que les écoles ou les hôpitaux.