Beaucoup a déjà été dit sur la logique sportive et marchande qui sous-tend l'échange de P.K. Subban. Nous laisserons ce débat aux analystes sportifs.

Cet échange reste toutefois emblématique en ce qu'il pose, à notre sens, des questions qui vont au-delà du sport et du marché, au-delà de P.K. Subban lui-même.

Entre autres questions : celle de la teneur et de la signification sociales de cet échange, celle donc du rôle social des ligues et équipes professionnelles. C'est à la lumière de ces questions que nous voulons revenir sur l'échange de P.K. et ce qu'il représente sur les plans social et politique.

Le sport n'est pas une sphère en dehors du monde social. Il a même souvent été un terrain politique (revendication des droits des Noirs aux États-Unis par certains athlètes, boycottage de compétitions internationales, etc.). Au Québec, des liens sont même souvent faits entre l'émeute entourant Maurice Richard et la Révolution tranquille. Le sport n'est donc pas une sphère isolée qui n'entretient qu'un rapport marchand et divertissant à la société.

D'ailleurs, si les équipes professionnelles se targuent de leur engagement communautaire et sociétal et invitent leurs joueurs à une telle implication, on peut y voir, au-delà de la fonction marketing de tels gestes, une reconnaissance de leur ancrage dans la société.

Dans cette perspective, quelle lecture faire de cet échange de P.K. en tant que joueur vedette - de calibre - noir (oui, osons le dire), minorité visible donc ? Que le reflet de la diversité culturelle dans les institutions québécoises reste un enjeu dans notre société qui se dit pluraliste est un secret de polichinelle. Récemment, la question faisait encore débat pour le milieu des arts. Elle est posée à répétition pour ce qui est des institutions publiques et privées (gouvernement, télédiffuseurs, etc.).

Si le hockey est une religion au Québec, les Canadiens de Montréal sont une institution. P.K. Subban incarnait une réponse partielle à cet enjeu. Sa présence sur la glace portait la promesse des possibles du « Québec inclusif ». Bien entendu, P.K n'est pas le premier joueur de couleur à enfiler le chandail du grand club. Mais avouez que la Ligue nationale de hockey n'est pas la ligue nationale de basketball ou de football en termes de représentativité de la diversité de la population et que le hockey joue un rôle beaucoup plus structurant dans l'être québécois.

Pour avoir vu sur le terrain l'impact de P.K., notamment auprès de jeunes en difficulté qui le voyaient comme un gage qu'ils pouvaient, eux aussi, « aspirer à », on peut affirmer que son échange va au-delà des enjeux de gestion de vestiaires, de contrats et de transactions commerciales.

De nombreux jeunes s'identifiaient à P.K. ; il était une « minorité visible » comme eux. Subban avait réussi à gravir les échelons dans des sphères qui traditionnellement leur échappent.

Nous ne voulons pas faire de communautarisme idéologique ici. Bien entendu, les jeunes issus de l'immigration peuvent se reconnaître dans n'importe quel type de joueur qui correspond à leur personnalité tout comme Subban faisait rêver les jeunes (et les moins jeunes), quelle que soit leur origine sociale et culturelle. Cependant, il n'en demeure pas moins que pour certains, il incarnait l'ascenseur social, le modèle à suivre, l'espace des possibles.

Un échange est une affaire de dollars et de statistiques pour les gérants et les sportifs. Il est cependant permis de demander si le succès d'une équipe se mesure uniquement à l'aune des échanges stratégiques ou également à leur contribution au tissage du lien social.