Une surprise est toujours possible, mais au point où en sont les choses maintenant, le Canada et les États-Unis ne sont pas à la veille de conclure une entente sur le bois d'oeuvre.

En mars dernier, le président Obama et le premier ministre Trudeau ont convenu que les deux pays chercheraient une telle entente, mais les États-Unis négocient seulement ce que leur industrie veut, et leur industrie ne veut rien d'autre qu'un quota très restrictif, afin de contrôler l'offre de bois d'oeuvre du Canada sur le marché américain.

Pour sa part, le Canada négocie seulement ce que la Colombie-Britannique souhaite, et la Colombie-Britannique ne veut pas d'un tel quota. Pour le Canada, tout ce qui ne fait pas partie de son approche, « l'optionalité », c'est-à-dire la flexibilité de restreindre le commerce par une taxe à l'exportation ou un quota, tombe sous le vocable des « autres sujets importants », comme la reconnaissance de la réforme des régimes forestiers provinciaux correspondant aux demandes traditionnelles des États-Unis.

Pour les États-Unis, tout ce qui n'est pas un quota très restrictif n'est tout simplement pas sur la table de négociation.

Comme les matamores de cours d'école en ont l'habitude, les États-Unis menacent d'attaquer le Canada, au moyen d'une enquête menant à l'imposition de tarifs si le Canada n'en vient pas à un « compromis » au goût des États-Unis. Comme un bonasse et malingre de surcroît, le Canada promet à chacune des rencontres d'améliorer son offre juste pour éviter de se faire tabasser. Le Canada avoue ouvertement qu'il préfère pratiquement n'importe quoi pour éviter « d'en manger une », et il est disposé à tout négocier, notamment une part de marché qui se rétrécit comme peau de chagrin, pourvu que la principale demande de la Colombie-Britannique soit satisfaite.

La stratégie des États-Unis n'a pas varié depuis 34 ans : faire enquête sur plainte de leur industrie, « découvrir » des subventions, imposer des tarifs temporaires de plus en plus élevés, tarifs qui saignent à blanc les entreprises canadiennes, les privant ainsi de leurs profits, ce qui amène inévitablement le Canada à discuter d'un règlement de la dispute une fois que les Canadiens sont persuadés de ne plus pouvoir supporter la pression financière indue qui les mène à la ruine.

BONUS DE 1 MILLIARD

Lors du dernier épisode (2006), les Américains ont même réussi à obtenir un bonus spécial de 1 milliard de dollars américains, de l'argent appartenant à l'industrie canadienne et livré au gouvernement américain et à son industrie par le gouvernement Harper. Ce cadeau calamiteux, sans précédent, a naturellement aiguisé les appétits outre-frontière. Assurément, l'industrie américaine souhaite que le prochain accord soit accompagné d'un tel pot-de-vin, et le Canada a déjà promis une offre financière pour « promouvoir l'utilisation du bois » aux États-Unis, ce qui éviterait à la partie américaine d'investir dans la R et D et la publicité.

Le Canada semble incapable de répondre aux menaces du matamore dans ce conflit. Plutôt que d'avertir qu'il n'y aurait jamais plus de pot-de-vin, le Canada offre de l'argent avant même qu'on le lui demande. Au lieu de proclamer que le gouvernement du Canada soutiendra son industrie si elle est attaquée, en fournissant au minimum des crédits lorsque les États-Unis recommenceront à confisquer illégalement l'argent des entreprises canadiennes, le Canada laisse entendre qu'il acceptera pratiquement n'importe quelle entente pour éviter que son industrie ne soit victime d'une hémorragie financière sur le champ de bataille judiciaire. Et alors que le gouvernement américain assume l'essentiel des dépenses judiciaires engagées contre le Canada, le Canada avise son industrie de se débrouiller sans aide pour payer ses avocats.

Le Canada pourrait communiquer clairement aux États-Unis que la dispute judiciaire n'en vaut pas la peine, que les États-Unis ont perdu chacun des combats judiciaires qu'ils ont engagés contre nous dans la cause du bois d'oeuvre, et que le Canada ne permettra plus que son industrie soit financièrement laminée, privée d'argent pour sa défense judiciaire et privée de ses fonds d'opération.

Au lieu de cela, le Canada fait preuve d'une grande faiblesse. La semaine dernière, le gouvernement a envoyé sa négociatrice commerciale principale et sous-ministre adjointe, puis la ministre du Commerce international elle-même, à Washington pour implorer le matamore. Cela n'est pas une façon d'agir avec son principal partenaire commercial, pas plus que dans une cour d'école.

Évidemment, ces démarches n'ont rien donné. L'industrie américaine rit probablement dans sa barbe, en attendant une offre toujours meilleure du Canada.