Plier bagage pour changer de province entraîne d'importants bouleversements. Choisir de déraciner la famille, de vendre la maison, de chercher un nouvel emploi et d'abandonner le confort du connu en quête d'une situation meilleure représente un geste incroyablement coûteux qui ne peut être pris à la légère.

Dans cette optique, la migration des personnes constitue un indicateur-clé du succès et de l'échec des politiques publiques d'une province. En se penchant sur cet indicateur, les résultats du Québec ont de quoi susciter l'inquiétude.

Dans une étude menée récemment, nous avons examiné les tendances migratoires des Canadiens lors de la période allant de 1971-1972 à 2014-2015.

Au cours de cette période, le Québec a accumulé un déficit migratoire interprovincial de 582 479 personnes.

Le nombre de Québécois ayant décidé de quitter la province annuellement a ainsi dépassé en moyenne de 13 238 le nombre de personnes provenant d'autres provinces qui ont choisi de s'établir au Québec.

En fait, le Québec est la seule province à avoir affiché un solde migratoire déficitaire au niveau interprovincial chaque année au cours de la période étudiée.

Les raisons pour lesquelles le Québec affiche un bilan migratoire si négatif comparativement aux autres provinces ont cependant été très peu étudiées jusqu'à présent. Pour éclaircir cette question, il faut d'abord distinguer les données qui portent sur les départs d'une province de celles qui concernent les arrivées au sein d'une province.

À cet égard, plusieurs seront étonnés d'apprendre que le Québec est la province où l'on observe le moins grand nombre de départs en pourcentage de la population. Au cours de la période étudiée, le Québec a connu en moyenne une migration sortante annuelle de 5,4 personnes par tranche de 1000. L'Ontario, la province au deuxième rang, a connu une migration sortante de 7,4 personnes par millier de population.

En revanche, c'est le Québec, à l'échelle du Canada, qui détient la moins grande capacité à attirer les personnes provenant des autres provinces, et de loin. En moyenne, au cours de la période étudiée, le Québec a attiré annuellement 3,5 personnes par tranche de 1000. L'Ontario est parvenu à attirer le double du taux de migration entrante du Québec pendant la même période, soit 7,5 personnes par tranche de 1000. C'est sans surprise l'Alberta qui a connu le taux de migration entrante le plus élevé avec 26,8 personnes par millier de population.

TAUX D'EMPLOI

Comment expliquer la piètre capacité du Québec à attirer des migrants en provenance du reste du pays ? Au fil du temps, plusieurs raisons ont été évoquées. La prédominance du français comme langue d'usage dans la province constitue assurément l'une d'elles. Il serait cependant trop facile de brandir l'excuse du facteur linguistique. En effet, des études antérieures ont montré que les principales causes découlent du contexte économique de la province, laquelle figure depuis longtemps dans le bas du classement canadien pour ce qui est du taux d'emploi et du revenu par habitant. De toute évidence, la lourdeur du fardeau fiscal et le niveau élevé de l'endettement public contribuent à faire du Québec une destination peu attrayante pour les autres Canadiens.

Cette incapacité à attirer les gens de l'extérieur constitue un signe de l'existence d'un problème de fond dans la province, qui ne pourra être résolu que lorsqu'il sera entièrement reconnu, et seulement lorsque ses dirigeants politiques se seront engagés à y remédier. D'ici là, cette situation demeurera un phénomène courant.