Ce qui vient de se produire à Orlando donne à réfléchir non seulement aux Américains, mais à tous ceux et celles qui ont à coeur l'harmonisation des rapports interculturels dans leur société. Le meurtrier était un musulman disant agir au nom de sa religion. L'islam se trouve donc à nouveau mis en procès à cause de l'extrémisme qu'il inspire chez certains de ses fidèles.

Un premier problème tient, bien sûr, à la peur légitime que ces crimes font naître au sein de populations innocentes, et la difficulté sinon l'impossibilité pour les forces de sécurité de leur assurer une protection sans faille. Un deuxième problème concerne l'accès relativement facile aux armes et aux explosifs. Ces deux problèmes font présentement l'objet d'amples discussions, mais il y en a un troisième dont on parle moins et qui, étrangement, est le plus important en définitive. Ce sont les dispositions de la religion musulmane au chapitre de l'homosexualité.

Il faut d'abord rappeler que le christianisme et le judaïsme ont aussi éprouvé et éprouvent encore de grandes difficultés avec l'homosexualité. Mais dans le premier cas, une évolution est en cours qui laisse peut-être entrevoir une future (bien que lointaine) normalisation. Dans le second cas, cette perspective semble pour le moment encore plus incertaine, mais, incontestablement, un courant d'idées se dessine dans la même direction. Quoi qu'il en soit, à la différence de l'islam, la vision négative de l'homosexualité dans ces deux religions inspire très peu d'actes terroristes.

Sauf exception, les musulmans québécois, et tout particulièrement les imams, se montrent plutôt silencieux sur l'homosexualité, et il en va de même avec le statut de la femme.

Or, l'homosexualité est plus qu'un objet de tolérance dans notre société ; elle a acquis le statut d'un droit fondamental inscrit dans notre charte - tout comme, encore une fois, l'égalité hommes-femmes. Ces droits font partie de la culture politique du Québec, fortement imprégnée de justice sociale. Ils ont aussi une portée universelle. Du point de vue de la vie interculturelle, cette situation installe un malaise et elle fait obstacle à la pleine intégration des musulmans dans la société québécoise.

STATU QUO OU RAPPROCHEMENT ?

La question que je veux poser est la suivante. Où en est l'islam québécois sur ce sujet ? Y a-t-il un débat au sein de cette minorité ? Observe-t-on des dissidences, des tensions, des signes de changement ? En l'occurrence, quels doivent être l'attitude, et s'il y a lieu, le rôle des non-musulmans ? Nourrit-on des attentes à cet égard ? Pouvons-nous envisager d'aménager ensemble un espace de réflexion pour amorcer un rapprochement sur ces enjeux ? Ou est-ce que le statu quo doit persister, c'est-à-dire le silence et, en quelque sorte, le rejet de valeurs fondamentales ?

Les imams doivent être conscients qu'une importante responsabilité leur incombe à cet égard. Le terrorisme islamiste est une arme à deux tranchants. Il fait mal aux populations touchées (directement ou indirectement), mais il cause aussi un important préjudice à tous les musulmans eux-mêmes du fait que ce terrorisme est récupéré par un discours xénophobe et populiste croissant qui en impute l'ignominie à l'ensemble de l'islam. En conséquence, tous les musulmans sont victimes d'un régime de suspicion et de surveillance, sinon d'exclusion. Du même coup également, la tâche des partisans du pluralisme n'en devient que plus difficile.

Il est utile que des musulmans dénoncent le terrorisme islamiste, mais ce serait encore mieux s'ils pouvaient aussi montrer qu'il existe une possibilité ou des perspectives d'ajustement, même lointaines, sur le plan des valeurs et des droits évoqués plus haut, car nous sommes ici au coeur du problème. Faute de quoi, il faudra s'habituer à vivre dans une tension permanente dont souffriront non seulement les musulmans, mais l'ensemble de notre société.