Boucherville a récemment été élue ville où il fait bon vivre. Certes, nous avons de bons services et la ville est très jolie. Mais il existe un irritant suffisant pour gâcher la vie des jeunes familles : la gestion des écoles primaires.

Boucherville a récemment été élue ville où il fait bon vivre. Certes, nous avons de bons services et la ville est très jolie. Mais il existe un irritant suffisant pour gâcher la vie des jeunes familles : la gestion des écoles primaires.

Le problème ne date pas d'hier. Je suis arrivée à Boucherville à l'âge de 10 ans. Ayant déménagé souvent, j'en étais à ma quatrième école. Cette fois, ce devait être fini, nous allions rester.

Pourtant, un an plus tard, l'école où j'avais été assignée était en surplus. Bien sûr, c'est moi qui ai dû quitter car je n'avais pas d'ancienneté.

Vingt-cinq ans plus tard, même quartier, même problème. Il y a deux ans, ma fille devait entrer en maternelle.

Son école de quartier est située à l'autre bout de la ville, il y a en fait trois écoles qui sont plus près de notre domicile.

Lors de l'inscription, je demande à consulter la carte de la ville. Quel beau Pollock ! Des taches de couleurs réparties un peu partout, au hasard du pinceau. Carte qui date probablement de l'époque seigneuriale, d'ailleurs, où les quartiers du Boisé et de Normandie n'existaient pas.

Les élèves d'une extrémité de la ville sont assignés à une école à l'opposé de Boucherville. Quant à nous, la voie ferrée nous empêche de fréquenter Pierre-Boucher, qui est à 5 minutes de marche. Résultat : les enfants de mon voisin peuvent y aller, mais les miens sont attitrés à Antoine-Girouard.

Cette école vieillotte et située dans le quartier le moins intéressant de Boucherville n'enchantait guère ma fille. De toute façon, elle était en surplus, on nous a donc offert Pierre-Boucher. Tant mieux.

Mais cette école a trois classes de maternelle, pas trois classes de première année. On l'a donc retournée à son école de quartier pour la première année. Nouvelle école, pas d'amies, aucune invitation à des fêtes d'anniversaire cette année et une petite fille angoissée et en colère, voilà les conséquences. Qu'à cela ne tienne, Antoine-Girouard a trois classes de première, mais pas de deuxième...

L'APPEL REDOUTÉ

Cette semaine, je reçois le coup de fil tant redouté :  ma fille fait encore les frais de ce manque d'organisation ridicule qui n'a pas trouvé de solution en 25 ans. Pourquoi elle ? Elle a été volontaire l'an dernier. Est-ce que ça ne devrait pas plutôt être le tour d'un élève qui n'a jamais été transféré ? Justement, me répond-on, votre fille a déjà été ailleurs, elle n'a pas d'ancienneté chez nous. Donc, les enfants qui sont transférés une fois sont pour toujours ciblés et, en acceptant le transfert, on se tire dans le pied ! Euh...

D'accord, on change encore d'école. « Mais, madame, vous devriez être contente, votre fille est protégée ! Elle fera le reste de son primaire à la Broquerie. » Non, je ne suis pas contente. Parce que j'ai un fils qui, parce qu'il n'a pas encore commencé l'école, ne peut pas être protégé, lui.

Ce qui fait que, dans deux ans, mes enfants n'iront pas à la même école !

Est-ce une demande si extravagante que de garder les familles unies ?

Je travaille, je n'ai pas le temps de courir deux écoles le matin, le midi, le soir. De plus, lorsque je demande de pouvoir visiter la nouvelle école avec ma fille, ce n'est qu'avec une grande réticence et en me faisant comprendre qu'il s'agit d'une énorme faveur qu'on me l'accorde si gracieusement. Quelqu'un quelque part a-t-il de la compassion pour ma fille ?

Je suis dégoûtée et outrée face à un système dont les engrenages rouillés grincent depuis si longtemps et auxquels s'accrochent des fonctionnaires sans coeur pour qui les élèves et les familles ne sont que des numéros interchangeables et les enfants des valises que l'on peut déménager par-ci par-là où il y a des trous.

J'entends encore les représentants de la Commission scolaire des Patriotes scander leurs slogans grévistes selon lesquels les enfants et l'éducation sont leur priorité. Laissez-moi rire ! Les professeurs, je veux bien, mais les gestionnaires...

Les écoles et les commissions scolaires brisent les enfants de l'intérieur en les trimballant un peu partout. Sans vergogne, elles séparent les familles. L'insécurité, l'impuissance et la révolte en résultent. Et ne nous attendons pas à ce que cela change, à moins, peut-être, de nous débarrasser des commissions scolaires qui sont des institutions désuètes et sans humanité nous traitant sans aucun respect. Mes enfants ne sont pas des numéros.