Montréal est une ville hautement sécuritaire. Les statistiques le démontrent sans ambiguïté. Et nous nous y sentons généralement en sécurité. Pourquoi donc ?

Principalement en raison de la qualité de notre tissu social, qui constitue notre meilleur allié sécuritaire. La qualité des relations d'un voisinage, la présence humaine active, diurne comme nocturne, l'occupation de nos territoires de vie en sont les moteurs fondamentaux.

En conséquence, la proximité sociale s'avère le principal tisserand du sentiment de sécurité d'une collectivité.

Nous nous connaissons et reconnaissons, nous saluons, nous sourions, échangeons parfois à l'épicerie, à la station-service, à la boulangerie, en attendant le feu vert pour traverser l'intersection.

Nous vivons ensemble et, sans nécessairement connaître nos prénoms, nous savons que nous sommes unis par notre appartenance à une communauté. Mais en cette ère qui valorise de multiples façons l'outillage technologique, notre ville a-t-elle vraiment besoin de davantage de vidéosurveillance et autres contrôles de ce type afin de préserver son potentiel sécuritaire ?

PEUR DU CRIME, CRIME DE LA PEUR

Une ville sécuritaire connaît tout de même son lot de marginalité, de petite délinquance, de criminalité plus importante. Notre sentiment de sécurité direct ou diffus peut en être temporairement affecté. Nous avons peur de ce qu'on a vu au bulletin d'information, de ce qui est arrivé chez notre voisin, de ce que nous avons nous-mêmes vécu.

Et notre réflexe premier est de nous protéger : clôtures, cadenas, caméras de surveillance, confinement à la maison à la tombée du jour, évitement des personnes qui nous sont étrangères, qui nous paraissent louches, différentes...

Nous tentons d'assurer (de nouveau) notre sécurité et de retrouver notre si précieux sentiment de sécurité. Pourtant, c'est tout à fait le comportement contraire que nous devions adopter, à titre de concitoyen. En effet, en nous cantonnant défensivement derrière portes closes, caméras, cadenas et tutti quanti, nous choisissons de céder notre terrain de vie, notre collectivité, aux agirs d'individus ou de groupes aux intentions malveillantes.

A contrario, le maintien d'une proximité sociale constitue le meilleur antidote au sentiment d'insécurité individuel ou collectif. Habiter notre quartier, converser avec les étrangers, se soucier du bien-être de notre voisinage ou occuper les lieux publics qui nous entourent s'avèrent de puissants moteurs afin de renforcer un tissu social fragilisé par des événements malheureux, ponctuels ou récurrents. Ce principe est largement reconnu en prévention de la criminalité : ce sont les personnes, par leurs liens avec leur communauté, et non les caméras de vidéosurveillance, qui rendent un environnement sécuritaire.

LA TENTATION DE LA VIDÉOSURVEILLANCE

Il y a deux ans, après de graves agressions dans un secteur du centre-ville, le maire de Montréal avait ouvertement souhaité que soient installées davantage de caméras de vidéosurveillance dans notre ville. « On a toujours l'argent pour la sécurité des gens », disait-il à l'époque. Sans en faire une panacée, le premier magistrat affirmait avec assurance que la vidéosurveillance pouvait avoir un effet bénéfique afin de renforcer notre sentiment de sécurité.

Or, cela s'avère plus que controversé dans la littérature scientifique. Pire, on attribue parfois un effet délétère à ce type d'outillage public qui peut créer un faux (et temporaire) sentiment de sécurité. C'est bien cher payer pour une ville des plus sécuritaires que de fausser la donne perceptuelle de ses citoyens en augmentant, par ailleurs, le contrôle social que charrie cette quincaillerie technosécuritaire. Les modèles sécuritaires traditionnels s'avèrent stériles, coûteux et contre-productifs au regard d'une réelle sécurité communautaire.

PRÉVENTION DYNAMIQUE

Heureusement, nous apprenons ces jours-ci que la Ville de Montréal renonce à un recours plus important aux stratégies de vidéosurveillance. Voilà une bonne nouvelle. Et si nos taxes étaient plutôt investies dans des actions de prévention dynamique et structurante socialement afin de renforcer le tissu communautaire des collectivités affectées par des incidents insécurisant certains de leurs membres ?

Le SPVM promeut et incarne depuis presque 30 ans un modèle de police de proximité dont les composantes correspondent parfaitement à cette philosophie communautaire : rapprochement avec les citoyens, partenariat, approche de résolution de problèmes et renforcement des mesures préventives.

Mais les actions préventives exigent certains investissements. Comme montréalais, nous devons exiger de nos élus que les efforts afin de préserver et augmenter la valeur sécuritaire de notre ville tendent davantage vers une complémentarité des actions constructives, bienveillantes et cohérentes déjà entreprises par nos collectivités.

Or, un service de police est une composante fondamentale d'une stratégie urbaine préventive d'ordre dynamique, notamment par la présence active des policiers dans le quotidien des citoyens.

Cela se traduit principalement par deux axes d'implication stratégique : une plus importante visibilité policière, et une augmentation du contact interpersonnel entre les patrouilleurs et les citoyens au quotidien.

Les liens de confiance et d'entraide communautaire ne se tissent pas facilement en situation d'urgence. Par exemple, les policiers doivent avoir l'occasion d'augmenter leur capacité de patrouille à pied et en vélo, de pouvoir descendre fréquemment de leur auto-patrouille afin d'initier des contacts humains avec leur communauté sans nécessairement qu'un délit, une infraction ou une incivilité en soit le motif.

Pour ce faire, la direction d'un service de police doit pouvoir compter sur des ressources humaines et financières qui permettent cet investissement d'ordre dynamique. Notre tissu social mérite mieux que de la poudre aux yeux lancée par le spectre de la vidéosurveillance et les policiers sont des vecteurs incontournables afin de le maintenir en bonne santé communautaire.