Les végétariens dérangent.

Ils dérangent parce que le végétarisme, qui repose souvent sur une décision éthique, remet en question et juge implicitement le choix des autres. Ainsi, pour un végétarien, pas besoin d'être militant pour déranger, pour contrarier : sa seule présence souvent suffit à provoquer des réflexes de défense.

Ce dérangement apparaît toutefois nécessaire, voire salutaire. En effet, les faits s'entêtent, contre idées préconçues, habitudes tenaces et statistiques mal citées, à démontrer que le végétarisme constitue un choix aussi nécessaire que responsable, raisonnable, éthique et équitable.

ÉLEVAGE ET EFFET DE SERRE

L'élevage de bétail est le responsable direct de 14,5 % des gaz à effet de serre (GES) émis annuellement à l'échelle planétaire - et cette statistique double presque lorsque l'on tient compte des secteurs connexes.  À lui seul, le secteur de l'élevage produit plus de GES annuellement que tout le secteur du transport.

Il apparaît d'ailleurs aujourd'hui évident qu'une diminution importante de la production de viande sera nécessaire pour lutter contre les changements climatiques.

À ce titre, il est estimé que l'empreinte carbone d'une alimentation sans viande et autres produits carnés est jusqu'à deux fois moins importante que celle d'une alimentation omnivore.

L'impact environnemental de l'élevage ne se résume toutefois pas aux émissions de GES. En effet, l'élevage de bétail est la principale cause de perte de biodiversité dans le monde et l'une des principales causes de pollution des réserves en eau, de déforestation et de désertification. Au rythme actuel de croissance de la population mondiale, ces conséquences risquent seulement de s'aggraver.

SANTÉ PUBLIQUE

Le consensus scientifique est sans appel : bien équilibrée, une alimentation végétarienne est au moins aussi saine que la meilleure alimentation omnivore. À l'opposé, la surconsommation de viande rouge, telle que pratiquée dans la plupart des pays occidentaux, est liée à nombre d'afflictions médicales graves incluant l'obésité morbide et le cancer. L'élevage de bétail génère également des risques importants en matière de santé publique : en effet, le pâturage intensif et accéléré (factory farming) soumet le bétail à des conditions extrêmes qui favorisent le développement et la transmission rapides de maladies pathogènes et multiplient les risques d'épidémies.

En 2007, une hausse rapide de la demande d'éthanol aux États-Unis entraînait une augmentation de 60 % à 400 % du prix des tortillas au Mexique, denrée de base pour la grande majorité de la population. Cet épisode offre au moins une leçon : les plus pauvres, par l'entremise des prix et mécanismes du marché, se trouvent extrêmement vulnérables à l'utilisation des ressources agricoles.

LES GRANDS PERDANTS

Cette leçon a une implication importante : le système actuel, orienté vers la production de viande, désavantage lourdement les moins nantis. En effet, on estime qu'au moins 80 % des terres cultivables de la planète sont utilisées directement ou indirectement pour l'élevage. Pourtant, pour un même espace cultivable, il est possible de produire 15 fois plus de protéines végétales qu'animales. En d'autres termes, il serait tout à fait possible de produire beaucoup plus avec nos ressources, et cette occasion manquée se fait au prix d'une plus grande justice sociale.

En terminant, nous ne pouvons passer sous silence les conditions effroyables et carrément immorales dans lesquelles la majorité du bétail est élevé. Ces conditions soulèveraient pourtant une indignation profonde si elles étaient réservées à nos animaux de compagnie. Notre traitement des animaux fait l'objet d'un double standard qu'il nous est difficile de ne pas expliquer par de l'aveuglement volontaire.