Ainsi donc, l'actuelle direction de CBC-Radio-Canada a choisi de mettre en vente, sans plus de procès, sa mythique tour.

L'argument est « béton » : l'immeuble est dépassé, vétuste et coûterait vraiment trop cher à rénover. Vendre son chien en affirmant qu'il a la rage est une stratégie nouvelle et surprenante.

J'ai participé, pendant plusieurs années, en tant que vice-président des services français, aux discussions entourant l'avenir de l'immeuble. J'ai toujours été étonné que les scénarios de rénovation et de revitalisation de l'immeuble aient constamment été écartés d'un revers de la main par des prévisions financières surestimant systématiquement cette possibilité.

Il me semble évident que la direction actuelle de CBC/Radio-Canada, ainsi que son conseil d'administration, sont prisonniers d'un paradigme de départ : le diffuseur public doit occuper moins d'espace, dans tous les sens du mot.

INNOVATION ET COLLABORATION

L'ère numérique et la mondialisation de la communication commandent pourtant de nouvelles approches et de nouveaux réflexes. Le monde des médias est marqué depuis une décennie déjà par des alliances nouvelles, des partenariats innovants, des solutions inspirantes et porteuses d'avenir. À ce chapitre, le vieux rêve d'une « Cité des ondes » serait plus que jamais porteur d'avenir pour autant que l'on apprenne à penser un peu autrement.

Les différents acteurs du service public sur la scène audiovisuelle canadienne pourraient sans doute songer à des mises en commun prolifiques. Radio-Canada, Télé-Québec, TV5, Unis, ARTV, Explora, RDI, Canal Savoir et même la cousine ontarienne TFO pourraient songer à des alliances nouvelles. La même logique pourrait s'appliquer aux services de la CBC, projetant ainsi plus que jamais Montréal et le pays sur la scène internationale. Une bonne façon de se positionner à la fois dans l'ère numérique et la nouvelle réalité internationale de la communication.

Il ne s'agit pas ici de « fusionner » des réseaux aux structures juridiques et politiques très différentes, mais simplement d'envisager des partenariats qui permettraient une utilisation plus judicieuse des ressources. Et une utilisation plus judicieuse des espaces.

La révolution numérique ne commande pas d'avoir plus ou moins d'espace. Elle commande d'avoir de nouvelles idées. Elle commande de créer, d'innover, de collaborer et de développer.

L'ENJEU POLITIQUE

La ministre Mélanie Joly, tout en demeurant à distance du dossier, a invité Radio-Canada à consulter plus directement les « parties prenantes ». C'est une recommandation bien avisée de la part d'une ministre du Patrimoine. Au-delà du béton, cet immeuble est depuis presque un demi-siècle le symbole le plus visible de la présence « fédérale » en matière de culture et de communications à Montréal.

Ce symbole est d'autant plus puissant que la télévision d'ici est littéralement adulée par ses auditoires. Les francophones d'ici sont d'une incroyable fidélité à leurs séries, leurs vedettes, leurs créateurs, leurs journalistes. Vrai aussi pour les auditeurs d'une radio unique et différente qui écrit chaque jour la grande et la petite histoire de ce que nous sommes collectivement. Sa présence sur l'ensemble du territoire en est un exemple vibrant.

À l'ère du numérique et de la mondialisation, l'idée du diffuseur public est plus que jamais actuelle. Jamais dans l'histoire nous n'aurons eu tellement besoin de conversations, d'échanges, de lieux pour la création de l'identité collective.

POURQUOI UN IMMEUBLE ALORS ?

Et tout ça passerait par un immeuble ? Tout ça passe en tout cas par un puissant symbole. Je comprends bien la résistance des syndicats et des employés devant ce projet qui dit ce qu'on ne sera plus, sans lever le voile sur ce que nous serons.

Nous avons l'occasion d'innover, de penser autrement, d'inventer l'avenir et de nous projeter dans ce nouveau monde. Cette tour n'est pas qu'un héritage, elle peut aussi devenir un magnifique projet. Un lieu d'invention, d'innovation et de création au service de tous les possibles.

Et si la haute direction actuelle persiste à dissoudre l'aujourd'hui sans construire l'avenir, alors cette tour ne deviendra qu'un formidable monument à 10 ans de conservatisme aveugle en matière de culture.