Je suis médecin. J'ai choisi d'embrasser une profession qui exige disponibilité, empathie, humanisme et dévouement envers la population. En même temps, comme plusieurs, je tiens à un bon équilibre de vie. Et je dois concilier les deux.

Je me retrouve coincée aujourd'hui dans une situation préoccupante d'opposition et de contradiction avec la société qui s'attaque à la profession médicale, sa performance, son professionnalisme et sa rémunération.

Le médecin d'aujourd'hui vit dans une société qui souligne l'importance de la qualité de vie et la conciliation famille-travail. Le serment d'Hippocrate, duquel se réclame la profession médicale, exige que le médecin fasse passer son patient bien avant ses intérêts personnels et lui prodigue les meilleurs soins possible. C'est ainsi que le médecin est toujours en opposition avec l'administration et l'État afin de réclamer de meilleurs soins et la meilleure médecine pour son patient.

Au moment où les médecins québécois ont revendiqué un rattrapage salarial par rapport à leurs collègues canadiens, la population les a soutenus, reconnaissant ainsi la valeur de leurs services. Cependant, la société s'attendait à une reddition de compte et exige maintenant qu'en plus des intérêts des patients, le médecin prenne aussi en considération ceux de la société.

Ainsi, la performance des médecins et les attentes de la population envers eux sont liées à l'accès aux soins et à la performance du système de santé. Il n'est donc pas surprenant que la population voie, dans le rapport entre l'attente interminable pour ses soins et les généreuses augmentations salariales, une rupture de contrat.

En échange de privilèges inégalés au sein de la société, telles que l'autonomie professionnelle, l'autorégulation, la reconnaissance et une rémunération élevée, la société exige des obligations auxquelles s'ajoutent maintenant la pérennité et la sauvegarde du bien commun que représente notre système de santé.

En raison de cette rupture de contrat, la société est en droit de demander des comptes.

Cependant, on peut bien réclamer des réformes ou l'augmentation immédiate de la performance, la solution ne passe pas uniquement par l'argent. Le déséquilibre a été engendré, entre autres, par un mode de rémunération qui incite à la multiplication d'actes médicaux, mais qui néglige la pertinence des soins et la performance du système de santé. Ce qu'il faut à la profession médicale, c'est un renouveau professionnel.

À titre de présidente de l'Association médicale du Québec, j'ai pris connaissance de systèmes performants qui existent ailleurs dans le monde. C'est notamment le cas dans les pays scandinaves, comme la Suède et le Danemark, où les médecins et les décideurs collaborent à la gestion du système de santé. La clé de l'efficacité réside principalement dans un facteur : le partage collaboratif pour l'état de santé optimal de la collectivité.

Au Québec, la profession médicale est confrontée à une logique corporatiste et syndicaliste qui engendre nécessairement l'affrontement, mettant en opposition les désirs de l'individu et le bien collectif. Les médecins ont leur part de marché à respecter à l'égard de la société et ceci nécessite que nous sortions de ce climat de confrontation continuelle avec le gouvernement. Il est impératif de revenir à une logique d'intérêt collectif, une logique professionnelle.

La solution à la rupture du contrat social n'est pas de l'ordre de la pensée magique. La pérennité de notre système de santé passe beaucoup plus par des modifications au mode de rémunération qu'à la rémunération elle-même. Pour remplir sa part du contrat, la profession médicale doit changer et mettre la santé de la collectivité au coeur de sa redéfinition. C'est ça, être professionnel.