Au cours d'un bac en arts ou en sciences humaines, combien de fois un étudiant se fait-il demander à quelles fins il a investi des milliers de dollars et sauté d'innombrables nuits afin de préparer ses examens ou ses travaux ? Combien de fois s'est-il remis en cause quant à la pertinence du « ès arts » qui suivra le prestigieux mot « baccalauréat » ?

Au cours d'un bac en arts ou en sciences humaines, combien de fois un étudiant se fait-il demander à quelles fins il a investi des milliers de dollars et sauté d'innombrables nuits afin de préparer ses examens ou ses travaux ? Combien de fois s'est-il remis en cause quant à la pertinence du « ès arts » qui suivra le prestigieux mot « baccalauréat » ?

À quoi bon ces efforts constants ? De toute façon, tout le monde sait que ça ne sert à rien, un diplôme en arts... Comme quoi savoir communiquer, parler plus d'une langue, apprivoiser la culture des Autres et se doter d'un sens critique, c'est clairement pas assez « utile » pour réussir dans la vie...

D'ailleurs, j'essaie encore de comprendre ce que veulent dire les gens qui se basent sur cette expression pour construire leurs arguments. Nous vivons à une drôle d'époque : les jeunes, comme moi, et les générations qui suivent, nous avons tellement de choix que c'est comme si nous n'en avions pas assez. Et nous nous faisons dire que nous sommes chanceux : nous pourrions TOUT faire.

C'est bien ça le problème. On sort de l'université et on se dit qu'on est la recrue parfaite. Qu'on trouvera bien un emploi parce qu'il n'y en a pas deux comme soi.

Il n'y a qu'à jeter un coup d'oeil à Statistique Canada pour se rendre compte à quel point on a tort.

En 2011-2012, presque 2 millions d'étudiants étaient inscrits dans une université ou un collège canadien. Et les trois domaines les plus populaires étaient les sciences humaines (même si « ça sert à rien ») ; le commerce, la gestion et l'administration publique ; les sciences sociales et du comportement, et le droit. En 2011, 64 % de la population âgée de 25 à 64 ans possédait un titre d'études postsecondaires... on peut imaginer, à l'aide des données encourageantes énumérées plus haut, que ce pourcentage a augmenté depuis cinq ans.

Ça fait quand même beaucoup de gens sur le marché du travail, ce qui peut expliquer qu'on se fasse rappeler une fois sur 10 quand on envoie un CV - si on est chanceux. Qu'est-ce que ça donne ? Des gens désabusés par un système où l'on est mis sur un piédestal pendant les deux premières décennies de sa vie, pour se rendre compte qu'on est un peu comme les âmes en peine de Pink Floyd... « lost souls, swimming in a fish bowl, year after year... »

C'est pas toujours facile, mais il y a tellement de positif là-dedans. D'innombrables options. C'est sûr qu'il faut trancher, des fois... mais pas pour la vie. Contrairement aux générations précédentes pour lesquelles il y avait peut-être plus d'emplois, nous avons la chance de remodeler le marché. De travailler à une panoplie d'endroits, d'abandonner la routine pour créer notre propre entreprise ou de voyager dans le monde entier en étant pigiste. À nous la création d'environnements de travail plus dynamiques, plus changeants, plus flexibles, miroirs de la société qui change de façon draconienne d'année en année. On peut rêver, non ? De toute façon, des études en arts et en sciences humaines, ça sert à pelleter les nuages. Mais si on le faisait pas, ce serait dur (en crisse) de voir passer le soleil et de saisir notre chance.