L'île d'Anticosti est un joyau écologique sans pareil à la rencontre de l'estuaire et du golfe du Saint-Laurent. Elle fait partie du patrimoine naturel du Québec et de tout le Canada.

Dans la foulée de la Conférence de Paris sur le climat, le premier ministre du Québec a laissé entendre qu'il serait sage d'abandonner le projet d'exploration pétrolière sur l'île. Cette prise de position courageuse doit être saluée.

En investissant 150 millions dans l'exploration d'hydrocarbures à Anticosti, le gouvernement du Québec est devenu en 2014 le seul territoire en Amérique du Nord à financer cette activité à haut risque à même les fonds publics. On peut se questionner à juste titre sur l'absence des grandes pétrolières dans ce dossier. Celles-ci ont probablement jugé le projet trop risqué financièrement, et les probabilités d'une exploitation rentable des hydrocarbures, trop faibles.

On peut comprendre leurs réticences. D'abord, les quantités de pétroles ou de gaz présentes sont très incertaines. Selon l'étude géologique réalisée par la firme Sproule de Calgary : « Il n'existe aucune certitude qu'une partie de ces ressources puisse être découverte [...] [ou] commercialement exploitable ».

D'autre part, s'il s'avérait qu'Anticosti recèle des réserves d'hydrocarbures exploitables, la rentabilité de l'opération est loin d'être acquise.

Les coûts d'exploitation seraient très élevés, voire prohibitifs, puisqu'il faudrait doter l'île d'un terminal pétrolier ou d'un oléoduc pour sortir le pétrole ou le gaz de l'île : des investissements de l'ordre de 10 à 14 milliards. Avec un baril de pétrole qui frôle maintenant les 30 $, la rentabilité d'Anticosti est incertaine.

RISQUES POUR L'ENVIRONNEMENT

À cela s'ajoutent bien évidemment des risques environnementaux potentiellement irréversibles. L'idée même de construire un terminal pétrolier sur une île dont les rives sont jonchées d'épaves de navires échoués, le tout dans un secteur fréquenté par de nombreuses espèces de mammifères marins, a de quoi inquiéter. C'est sans compter les risques de contamination irréversibles des ressources hydriques de l'île par les activités de fracturation hydraulique qui doivent démarrer à l'été. La métapopulation de saumon de l'Atlantique de l'île, une espèce menacée, pourrait également être affectée. Finalement, les ressources hydriques de l'île seraient sans doute insuffisantes pour alimenter la fracturation hydraulique des 4155 puits qui seraient creusés si le projet voit le jour.

Certains ont affirmé que le projet d'Anticosti était compatible avec la lutte contre les changements climatiques. Pourtant, la science nous indique que la vaste majorité des ressources d'hydrocarbures devra demeurer dans le sol si nous souhaitons préserver le climat de notre planète.

En se lançant dans l'extraction pétrolière à Anticosti, le Québec pourrait accroître ses émissions de plus de 2 %, sans compter les émissions fugitives inévitablement engendrées par la fracturation hydraulique. Ces émissions se poursuivraient jusqu'à la fin du siècle, puisque l'on prévoit une exploitation des lieux pendant 75 ans, et ce, sans compter les fuites qui se poursuivraient aux puits abandonnés. Un tel scénario est incompatible avec les engagements du Québec dans le cadre du Under 2 MOU et de l'Accord de Paris.

De Paris, le premier ministre Couillard a donné le cap : « L'avenir du Québec ne repose pas sur les hydrocarbures ». L'avenir de notre planète non plus. La transition énergétique est bel et bien amorcée dans le monde, et elle exige une transformation radicale de nos façons de produire et de consommer l'énergie. Le Québec possède tous les atouts pour être l'un des leaders de cette nouvelle révolution. Anticosti est une erreur. Le premier ministre rendra un immense service au Québec et à notre planète en y mettant un terme.