En réaction à l'article « Une hausse de 5 % pour les infirmières en 2018 », de Tommy Chouinard, publié le 15 janvier.Le problème relatif au règlement salarial n'est pas d'avoir conclu ou non à la faveur des infirmières et autres salariées, c'est celui d'interpréter la loi sur l'équité salariale (LES) pour les mêmes fins que celles de la négociation des conditions de travail et salariales, laquelle négociation est encadrée par le Code du travail et la loi sur la négociation dans les secteurs public et parapublic.

C'est une erreur d'invoquer la hausse salariale comme argument massue de règlement, alors que la LES concerne exclusivement la correction des écarts salariaux dus à la discrimination dans le système de rémunération des emplois, le reste du salarial étant réglé ailleurs. Dans cette situation, il est question d'une nouvelle évaluation d'un emploi à l'occasion de l'exercice de maintien de l'équité salariale prévue à la LES, et non d'une négociation.

Lorsque la LES a été promulguée, le législateur a déterminé une logique et des règles d'application spécifiques en ligne directe avec l'esprit des chartes qui reconnaît que la discrimination salariale est ambiante et inscrite dans un système et qu'elle exige une comparaison d'emplois équivalents pour en déterminer les écarts à corriger. D'ailleurs, cette loi encadre un droit individuel, non collectif, qui est un prolongement des chartes. Et l'article 2 de cette même loi stipule qu'elle a préséance sur toute disposition d'une convention collective conclue sous différentes autres lois.

Pourquoi cela ? Parce que l'analyse de la culture des négociations, des relations du travail et de la rémunération avait démontré qu'elle était empreinte de pratiques basées sur l'égalité des membres et non sur l'équité dans les emplois et que, conséquemment, à cause du sexisme ambiant, du jeu traditionnel de la négociation donnant-donnant, les femmes voyaient souvent leurs revendications mises au rancart ou passées dans la logique des compromis. D'où une loi spécifique qui distinguait les deux processus et qui refusait tout compromis ne respectant pas les préceptes et les règles de cette loi contre la discrimination.

Malheureusement, avec l'entente conclue pour les infirmières, en mélangeant les deux dossiers et en cherchant un argumentaire favorable aux salariées, on affaiblit la LES et on envoie un message ambigu aux autres entreprises. Celles-ci pourraient interpréter de faire ce qu'elles en veulent en autant de consentir plus d'argent au personnel salarié. Et on laisse entendre que l'égalité et l'équité dans les emplois sont maintenant atteintes puisque le processus de négociation est conclu. Ou on laisse entendre que la loi sur l'équité salariale est un moyen détourné pour obtenir du salaire plutôt que l'évaluation d'un emploi pour lui donner sa juste valeur.

On retourne à la case départ : la négociation, le rapport de force et la conclusion à la satisfaction des deux parties - employeurs/syndicats -, mais pas nécessairement à la satisfaction du règlement de la discrimination dans les emplois féminins.

On négocie l'équité salariale alors que la LES l'a rendue non négociable.

En effet, pour éviter toute tentative de négociation, le législateur a institué des plaintes individuelles en rapport avec le droit individuel à la non-discrimination. Ainsi les plaintes appartiennent aux salariées et elles seules peuvent en disposer. De plus, on semble oublier que, malgré cette entente de retrait des plaintes, une salariée (ou plusieurs) pourrait décider de déposer une plainte, à l'insu du syndicat, et d'invoquer en plus l'article 2 au sujet de la préséance de cette loi sur les autres en relations du travail. La salariée voudrait pouvoir apprécier si les décisions de la seule Commission chargée de faire respecter cette loi démontrent que son droit a été respecté. 

Malheureusement, en mélangeant tout (évaluation des emplois, maintien de l'équité salariale, traitement des plaintes, augmentation salariale et négociation de la convention collective), les discours syndical et gouvernemental viennent dire aux femmes du Québec qu'elles n'ont pas vraiment besoin de cette loi pour enrayer la discrimination, d'abord qu'elles savent négocier ou que l'employeur est digne de confiance et de générosité. Et que fait-on des femmes non syndiquées, ou peu nombreuses dans leur emploi ou entreprise, ou aux prises avec un employeur plus sexiste que les autres ?

Malgré tout ce qu'on peut en dire ou écrire, je crois fermement que, même syndiquées, encore en 2016, les femmes du Québec ont encore besoin d'une loi sociale qui encadre les pratiques de rémunération, en dehors des périodes traditionnelles de négociation avec ou sans syndicats, et qui déconstruit la logique de la bonne foi au profit de l'équité salariale et de la reconnaissance des emplois de femmes à leur juste valeur. Mon expérience l'a prouvé !