Les ONG avancent qu'en général, elles dépensent jusqu'à 85 % de leurs fonds sur le terrain. Pourtant, Bill Clinton, lorsqu'il était président, disait que 80 % de l'aide ne quittait pas les États-Unis.

En Haïti, après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, une analyse des faits et des chiffres a permis de constater que chacun a trouvé la bonne méthode pour communiquer ses messages.

Dans le Courrier international du 12 janvier 2012, Bill Quigley et Amber Ramanauskas ont écrit qu'après le tremblement de terre, sur les premiers 1,6 milliard promis aux Haïtiens par le gouvernement Obama, le Department of Defense, pour couvrir l'envoi de soldats, a pris 655 millions. Le Department of Health and Human Services a réclamé 220 millions pour accueillir les réfugiés. Pour couvrir les frais d'immigration, le Department of Homeland and Security a pompé 15 millions. C'est déjà 56 % de l'aide qui n'a pas quitté les États-Unis.

Plus dommageable encore, le US Department of Agriculture (USDA) a chopé 150 millions pour nourrir les sinistrés de Port-au-Prince. Le USDA a, entre autres, acheté 13 045 tonnes métriques de riz sans tenir compte de la production haïtienne.

Elle a ainsi poursuivi une politique élaborée en 1994 par Bill Clinton pour démanteler la capacité de production des cultivateurs du pays.

En échange de son retour au pouvoir, Jean-Bertrand Aristide avait accepté l'avalanche programmée sur le marché haïtien de riz à bon marché en provenance de la Floride, mais aussi de l'Arkansas, un État agricole dont Bill Clinton a été le gouverneur pendant plus de 12 ans. En poursuivant ce dumping machiavélique, la USDA a accéléré la dégringolade de l'économie et accentué la dépendance alimentaire des Haïtiens.

Dans la même assiette de 1,6 milliard, la US Agency for International Development (USAID) a piqué 350 millions. Les données obtenues par le Center for Economic and Policy Research, confirment que l'agence a refilé 53 % des fonds à des ONG américaines. Ces organisations n'ont pas fait d'achat local. Lorsqu'elles ont embauché des Haïtiens, outre quelques rares exceptions, c'était dans le cadre des programmes « Cash for work » qui n'offraient que 5 $ par jour à des manoeuvres.

Les ONG ont leurs propres stratégies pour biberonner l'argent de l'aide dans l'économie des pays donateurs. Pour l'année 2010, Action contre la faim (ACF) prétend avoir fait 84 % de ses dépenses sur le terrain. C'est vrai ! Mais une analyse des États financiers du siège social de New York (ACF-USA) pour l'année 2010 permet de constater que pour ses 6 missions en Afrique et au Pakistan, environ 43 % de la masse salariale a été effectivement payée dans les pays en question, mais... à des expatriés.

Toujours en 2010, les expatriés et le personnel du siège social se sont partagé 48 % des 86,4 millions d'euros dépensés en frais d'exploitation pour l'ensemble des pays desservis par ACF-France. Le personnel local, ceux qu'on appelle les Nationaux, a reçu 13,2 millions d'euros, soit 15 % de la masse salariale.

Si les ONG américaines devaient appliquer la norme moyenne de ACF, en toute logique conservatrice et prudente, il y a fort à parier que les salaires des expatriés, leur per diem et autres avantages auraient permis de rétrocéder 83 millions aux États-Unis. À cet autre 5 %, il faudrait ajouter la contribution des entreprises privées américaines qui, si elles appliquaient la même logique que les ONG, retourneraient aussi 5 % de l'aide dans l'économie américaine en salaires, dépenses et profits.

Jusque-là, c'est 76 % de l'aide qui n'est pas parvenue aux Haïtiens. Mais en ajoutant les frais de financement, la sécurité, les honoraires professionnels, les frais de déplacement et de transport, les assurances, les activités de communications et les frais de formation, il est aisé d'avancer que c'est entre 85 et 90 % l'aide qui a été dépensée aux États-Unis. Et c'est normal !

Les politiques d'aide prévoient, tous pays confondus, que l'argent doit avant tout être dépensé dans l'économie du pays donateur.

Le problème, c'est qu'en l'absence de résultat, ce sont les Haïtiens qui ont été accusés d'avoir mal géré, gaspillé et volé des fonds qui ne sont jamais rentrés dans leur pays. De toute évidence, l'aide, dans sa quantité comme dans sa forme, ne pouvait aucunement permettre la reconstruction du pays. Si elle avait pour objectif de relancer une économie, ce n'était certainement pas celle d'Haïti.

À beau mentir celui qui vient vous faire du bien.

* L'auteur est également consultant en gouvernance et stratégies d'affaires pour des organismes à but non lucratif.