Depuis le temps que le Québec voulait avoir son registre des armes à feu, voilà que le gouvernement va enfin de l'avant dans ce dossier. Bonne idée, mais pas pour les raisons qu'on pense.

Certains penseront qu'on saura enfin qui possède des armes à feu au Québec. Ils se trompent. On le sait déjà en partie, parce qu'au Québec, il faut avoir un permis pour avoir une arme à feu. On ne le sait qu'en partie, parce que les criminels ne demandent pas de permis ; ils ne veulent évidemment pas être identifiés. Un registre des armes à feu ne les incitera pas à déclarer leurs armes. Ce premier argument en faveur du registre ne résiste donc pas à l'analyse.

Aura-t-on alors une bonne idée des armes qui se trouvent au Québec ? Malheureusement pas. D'abord (et encore une fois), toutes les armes des criminels ou des membres du crime organisé n'apparaîtront pas dans ce registre puisque ces personnes n'iront certainement pas les déclarer. Ensuite, on n'a pas besoin d'un registre des armes à feu pour savoir quelles armes se trouvent légalement au Québec. On n'a qu'à obliger tous ceux qui ont un permis de port d'arme à déclarer toutes leurs armes. Ce deuxième argument ne tient donc pas non plus.

Mais, protesteront certains, un tel registre faciliterait le travail des policiers, parce qu'ils pourront le consulter avant d'intervenir à une adresse donnée ou à l'encontre d'une personne en particulier. Ce registre n'aidera pas davantage les policiers, puisque les criminels qui se sont procuré leurs armes n'y apparaîtront pas.

AVANT TOUT UNE QUESTION DE VALEURS

Pourquoi alors avoir un registre des armes à feu au Québec ? Certainement pas pour des raisons logiques ou d'efficacité, comme nous venons de le voir.

Par contre, le Québec pourrait se doter d'un tel registre pour signifier clairement qu'ici, la population est contre les armes à feu et que ceux qui sont autorisés à en avoir (comme les chasseurs, par exemple) ont de bonnes raisons pour en posséder.

Bien sûr, la nécessité du permis de port d'arme joue déjà ce rôle, mais un registre aurait un aspect symbolique important. C'est une question de valeurs sociales.

Ensuite, un certain nombre de personnes se sentiraient davantage en sécurité parce qu'elles sont persuadées que seul un tel registre les protégerait bien. Parlez-en aux victimes de Polytechnique, de Concordia ou du Parlement de Québec et à leurs proches, et vous comprendrez ce que cela signifie.

Au point de vue rationnel, un registre des armes à feu n'est donc pas nécessaire ou utile. Toutefois, parce que l'être humain n'est pas qu'un être de raison, mais qu'il a aussi des valeurs et des sentiments, oui pour un registre des armes à feu.