La série de dossiers sur le thème de la faim dont le second volet est publié ce matin dans La Presse met en lumière les dynamiques d'un important problème de société qu'on associe inévitablement à la pauvreté.

Pourtant - et sans jamais vouloir diminuer l'importante responsabilité de la pauvreté - la faim cache également d'autres fléaux de taille, dont la santé mentale, la violence envers les femmes, l'intégration des immigrants, l'exclusion sociale, la consommation d'alcool et de drogues, et encore davantage.

C'est d'ailleurs précisément pour permettre aux 250 organismes communautaires qui s'approvisionnent chaque mois auprès de Moisson Montréal que nous existons. Nous leur permettons ainsi de nourrir leurs bénéficiaires et de consacrer la totalité de leurs ressources à lutter contre ces fléaux. En d'autres mots, permettre à ces organismes de montrer à pêcher, et ne plus devoir aussi donner le poisson.

LE NOUVEAU VISAGE DE LA FAIM

Au cours des dernières années, le visage de la faim s'est transformé et les statistiques les plus tristes sont là pour nous le rappeler. À preuve, les données du Bilan Faim - un état des lieux de la faim au Québec dont la plus récente édition a été publiée il y a quelques semaines - révélaient que près de 34 000 des 146 000 Montréalais qui dépendent chaque mois de l'aide alimentaire d'urgence sont des enfants, dont bon nombre sont des bébés âgés de 0 à 5 ans.

Les sans-abris, qu'on associe encore invariablement aux banques alimentaires, ne constituent désormais qu'une minorité des bénéficiaires de l'aide d'urgence que nous fournissons. De plus en plus de travailleurs à faible revenu, de personnes âgées dont les revenus de retraite sont insuffisants, d'étudiants, de familles monoparentales et de nouveaux arrivants frappent à nos portes. D'ailleurs, une personne sur trois au Québec vit d'un chèque de paie à l'autre, c'est-à-dire qu'un petit imprévu peut faire basculer une situation de précarité vers la pauvreté.

Est-ce qu'il s'agit là d'un phénomène normal pour une société aussi avancée que la nôtre ? Poser la question, c'est peut-être y répondre.

Mais au-delà de ce malheureux constat, c'est de notre façon de nous attaquer à la pauvreté et également à tous les autres enjeux auxquels nos 50 employés et 8000 bénévoles sont exposés chaque jour à Moisson Montréal que doit traiter le débat. Dans un tel contexte, le secteur communautaire répondra assurément présent pour participer encore plus activement à l'identification de solutions durables, efficaces et humaines.

INNOVER, EN ATTENDANT

Ces dernières années, certains chercheurs sont allés jusqu'à suggérer la disparition des banques alimentaires, des propos repris hier dans La Presse pour faire valoir l'urgence de s'attaquer à la racine même des problèmes derrière la faim. Cette image forte n'est pas sans rappeler les propos du fondateur de Moisson Montréal, M. Pierre Legault, qui, il y a 31 ans, était loin de se douter que son organisme serait encore « nécessaire » pendant si longtemps.

Mais en attendant, notre travail est d'innover en maximisant le retour sur chaque dollar consacré à la lutte contre la faim. Malgré un financement issu à 90% de sources privées et de dons du public, Moisson Montréal parvient à revaloriser les produits tout au long de la chaîne alimentaire et, ce faisant, à redistribuer plus de 15 $ de nourriture pour chaque dollar de frais administratifs et de gestion, un ratio inégalé au pays.

LA GRANDE GUIGNOLÉE DES MÉDIAS

Aujourd'hui, aux quatre coins du Québec, les médias, de nombreux membres de la communauté artistique ainsi que la population tendent la main à celles et ceux qui doivent chaque jour piler sur leur orgueil pour solliciter l'aide d'une banque alimentaire.

Cette exceptionnelle démonstration de solidarité revêt encore cette année une importance cruciale pour tous les organismes bénéficiaires et chaque don en argent ou en denrées non périssables fait une grande différence.

* Lucie Gérin, André Bossé, Julie Bourbonnière, Jonathan Rodrigue et Charles Roy