Lors de la campagne électorale, le Parti libéral du Canada a promis de baisser l'impôt sur le revenu des Canadiens de la classe moyenne. Le manque à gagner serait financé par une hausse de l'impôt des contribuables gagnant plus de 200 000 $. Cela pousserait le taux d'imposition maximal au-delà du seuil psychologique de 50 %, du moins au Québec.

Le nouveau gouvernement Trudeau vient de réitérer cet engagement ; un examen de la situation et de ses conséquences s'impose donc.

Généralement, une baisse du taux d'imposition rend le travail plus attrayant par rapport aux activités non rémunérées. C'est une manière d'inciter les gens à faire un retour au travail ou à travailler davantage, ce qui est souhaitable pour une bonne santé économique. Par exemple, chez les prestataires de programmes sociaux (assurance-emploi, aide sociale, invalidité partielle), la conjonction de l'impôt qui commence à s'appliquer, d'une part, et de la réduction des prestations, d'autre part, peut produire un taux d'imposition effectif supérieur à 50 %, et donc, décourager le retour au travail. C'est sur cette tranche de contribuables qu'il faudrait cibler une baisse d'impôt.

Du côté des revenus élevés, c'est plutôt la concurrence fiscale internationale qu'il faut surveiller.

Une augmentation du taux d'imposition maximal découragerait certains étrangers de s'établir chez nous et en pousserait d'autres à quitter le Canada pour un pays fiscalement plus avantageux.

Comment, alors, financer une baisse d'impôt pour les contribuables susceptibles de travailler davantage ? Le gouvernement pourrait étudier deux autres voies : les dépenses fiscales et les taxes à la consommation.

D'une part, le gouvernement devrait réévaluer la pertinence, l'efficacité et l'efficience de l'ensemble de ses dépenses fiscales, notamment celles créées par l'ancien gouvernement, comme le crédit d'impôt relié au fractionnement du revenu (coût fiscal : 2,4 milliards en 2014-2015) et le compte d'épargne libre d'impôt (CELI).

D'autre part, plusieurs autres dépenses fiscales, bien que populaires, ont perdu de leur pertinence avec le temps. Par exemple, l'inclusion partielle (plutôt que totale) du gain en capital dans le calcul du revenu imposable a été originellement justifiée par l'argument qu'il ne fallait pas taxer la plus-value attribuable à l'inflation. Autrefois forte, l'inflation est maintenant minime. Le gouvernement pourrait moduler le taux d'inclusion selon le taux d'inflation. Il pourrait aussi cibler cette dépense fiscale sur les biens et les titres véritablement reliés à la croissance économique.

Plutôt que d'augmenter le taux d'imposition, de nombreux économistes préconisent une augmentation des taxes à la consommation, qui sont moins nuisibles à la croissance et plus difficiles à contourner. C'est ce qu'a recommandé la commission Godbout, entre autres. Qui plus est, plutôt que d'augmenter de nouveau le taux de la TPS/TVH, il serait préférable d'en élargir l'assiette. Ici, le gouvernement devrait réexaminer la pertinence d'en exclure les biens pour lesquels la demande réagit peu aux prix et qui sont rarement achetés à l'étranger. Faut-il rappeler que les riches consomment plus que les pauvres ? Pour éviter qu'une hausse des taxes à la consommation ne pénalise les faibles revenus, le crédit d'impôt pour la TPS/TVH peut toujours être bonifié.

Oui, il est possible pour le gouvernement fédéral de réaliser sa promesse et d'accroître la progressivité du régime fiscal. Pour le faire de façon efficace et optimale, toutefois, sortir des avenues conventionnelles est peut-être la meilleure solution.