Les fraudes alimentaires ont encore fait les manchettes dernièrement, lorsque certains employés ont avoué avoir effectué de la surtransformation en magasin sans changer les dates de péremption. Bien sûr, ce sont des gestes indéfendables, peu importe les intentions sous-jacentes à ces actes malhonnêtes. Il n'existe aucune excuse, point à la ligne. En revanche, il faut se rappeler que les fraudes alimentaires hantent l'humanité depuis l'Empire romain, et peut-être même avant cela.

Ce n'est donc pas d'hier que l'humain tente des escroqueries, de la ferme à la table, et pas seulement en magasin. Mais puisque l'industrie a maintenant accès à une meilleure technologie, les attentes et notre capacité de surveillance ont nécessairement bien changé depuis le temps de Jules César.

Le problème de fraude alimentaire est planétaire. Essentiellement, il y a fraude alimentaire dès que des aliments sont délibérément vendus avec tromperie au consommateur. On estime qu'un contrôle sur trois détecte une fraude alimentaire. Un sur trois. La situation est pire en Europe, où les systèmes de distribution sont plus éclatés et difficiles à surveiller. Les systèmes de traçabilité varient énormément, surtout entre l'Est et l'Ouest. Il ne se passe pas une semaine sans qu'une étude nous offre une perspective troublante de la fraude alimentaire sur le Vieux Continent.

Mais ici, les médias cherchent et trouvent des cas depuis quelque temps. Et chaque fois, nous avons droit à des images qui choquent et déçoivent le grand public.

Se faire berner est choquant, mais pour ceux qui souffrent d'allergies ou d'une intolérance alimentaire, la fraude peut être très menaçante. Les risques inhérents sont réels.

Et que dire de ceux qui cherchent des produits cacher et halal ? Les consommateurs méritent mieux.

Heureusement, la science poursuit son petit bonhomme de chemin et certaines technologies sont porteuses d'espoir pour l'avenir. Pour l'industrie, au-delà d'une fréquence plus intense des inspections par les régulateurs publics, un programme de tests coordonné à l'échelle nationale peut être mené pour la détection d'ADN de produits. C'est ce qui se passe en Europe depuis le scandale de la viande chevaline, en 2013. Cette technologie existe et quelques universités canadiennes l'utilisent déjà, ici chez nous. La bio-informatique s'assure que l'information qui se partage entre chaque maillon de la chaîne soit précise. D'autres technologies novatrices peuvent aussi être utilisées pour mieux saisir les données à travers la chaîne d'approvisionnement.

Cependant, le meilleur moyen d'instaurer une plus grande discipline au sein de la chaîne alimentaire est de mieux outiller le véritable PDG de l'industrie agroalimentaire : le consommateur. D'ailleurs, en Europe, depuis le mois d'août dernier, une chaîne importante utilise déjà un code à barres moderne qui offre aux consommateurs une plus grande quiétude. En téléchargeant sur leur téléphone intelligent une application mobile, qui s'appelle Pro Trace, les consommateurs peuvent dorénavant valider l'information sur les étiquettes, telles que l'origine des aliments, les dates d'abattage et d'emballage. Avec un code à barres amplifié, qui peut contenir beaucoup plus d'information que les codes à barres ordinaires, un contrôleur pourra s'assurer de la véracité des informations affichées. 

Dans un avenir plus ou moins lointain, les consommateurs pourront aussi valider les pratiques à la ferme, distinguer les cultures biologiques des cultures conventionnelles, par exemple, ou reconnaître les certifications de traitement éthique des producteurs, et même les ingrédients utilisés par les transformateurs, au-delà de l'information sur l'étiquette. L'ère d'une chaîne de distribution alimentaire plus transparente est bel et bien arrivée. C'est une question de temps avant de voir cette technologie parmi nous.

Tout compte fait, la fraude alimentaire est un phénomène complexe. Inacceptable, mais fort complexe. Au lieu de ne se fier qu'à l'éthique, une surveillance accrue et la rigueur humaine peuvent certainement aider. Pour décourager les malfaiteurs, l'Agence canadienne d'inspection des aliments doit proposer des sanctions financières infligées en cas de fraude alimentaire correspondant à un montant supérieur au gain économique escompté par la fraude en question. Il est aussi souhaitable de proposer des contrôles officiels obligatoires sans préavis, comprenant des inspections et des tests, destinés à lutter contre la fraude alimentaire. Au lieu de laisser les médias le faire, il vaudrait mieux laisser les régulateurs s'en occuper.

Mais une traçabilité inclusive est vraisemblablement l'arme la plus redoutable contre la fraude alimentaire. Dans nos magasins, le jour où les consommateurs auront le pouvoir de validation en temps réel, le nombre de cas de fraude risquera de diminuer.