La situation récemment dévoilée à Val-d'Or concernant les agissements présumés de certains membres de la Sûreté du Québec envers des femmes autochtones a de quoi nous sidérer et elle a été commentée par de très nombreux intervenants et observateurs.

Depuis ce temps, et dans le concert de la litanie des chefs autochtones qui s'indignent tout en ne sachant rien faire de concret pour enrayer la source des problèmes sociaux qui réside dans leurs communautés respectives, mais réclamant des ressources supplémentaires, les autorités gouvernementales s'acharnent à limiter les dégâts, de même que l'envergure des mesures à mettre en place en espérant, comme c'est classique en politique, que les vents d'automne éroderont le récif apparu.

Par-delà ces dénonciations légitimes et légales, un monstre à deux têtes est tapi dans l'ombre de ce drame, celui de la relation entre les Premières Nations et les États canadien et québécois, et celui de la cohabitation entre les autochtones et les allochtones d'ici. Il nous est essentiel de distinguer les deux dimensions de cette relation, à la fois autonomes et interdépendantes.

En premier lieu se situe le rapport de nation à nation embrassant le débat des négociations et revendications territoriales, des ressources naturelles, des projets de développements, des droits ancestraux et de traités et de la gouvernance.

Depuis l'échec des conférences constitutionnelles en matière de droit de gouvernance entre 1982 et 1986, peu de progrès a été accompli concernant ces dossiers et le développement communautaire qu'on pourrait en attendre pour une majorité de communautés. Même le volumineux rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones de 1996 n'a pu ébranler les colonnes du temple et la loi fédérale de tutelle sur les Indiens et sur leurs terres s'applique toujours avec son lot de dépendance et d'irresponsabilité.

Seule la jurisprudence de la Cour suprême du Canada apporte de temps à autre des changements à la torpeur ambiante qui prennent souvent à la gorge des gouvernants assis dans le confort de la société majoritaire.

Cette mauvaise relation et les soubresauts qu'elle produit sporadiquement enveniment l'autre lien existant entre nos sociétés.

Cette autre réalité est celle des communications de tous les jours, des solidarités sociales et économiques, des ententes de gré à gré, des amours et des amitiés, des rencontres dans l'espace public, dans les écoles et les hôpitaux, dans les chantiers de construction, dans les festivals et pow-wow, dans l'art et la littérature, dans les villes de contacts telles Val-d'Or, La Tuque, Sept-Îles ou Chibougamau, mais aussi de Québec et Montréal. Elle est celle des centres d'amitié autochtones des milieux urbains et aussi celle de l'itinérance et de la pauvreté. Pour des raisons de convivialité sociale, de vécu commun et d'humanisme fondamental, les relations positives entre individus méritent d'être cultivées, enrichies et protégées, car elles sont la garantie du niveau de bonheur et d'harmonie d'une société et de peuples qui veulent et doivent vivre ensemble. C'est cette dimension qui est la plus affectée par les récents événements de Val-d'Or ; elle est beaucoup plus que policière et juridique.

Par-delà les questions pointues à envisager et à régler, telles la disparition de centaines de femmes autochtones au Canada ou les prétendues imbécillités inacceptables de certains policiers de Val-d'Or, nos gouvernants, qu'ils soient autochtones, canadiens ou québécois, ont le devoir de revoir la relation structurelle qui préside et encadre légalement et politiquement nos rapports. On l'a répété et même inscrit dans une motion de l'Assemblée nationale du Québec, un forum politique et parlementaire permanent est essentiel à cet effet, même si les résultats des efforts antérieurs de rencontres ou de tables avec des ministres ou de premiers ministres se résument à des effets de toge. Les sommets politiques sans plan de travail préalablement développé et convenu sont nuls. Il serait nécessaire, ici, de travailler avec des sages de tous horizons.

Plus importants encore, la réalité de nos rapports sociaux, incluant les problématiques dans les réserves indiennes et les lieux physiques et culturels externes de rencontres conviviales possibles, doivent aussi être envisagées. Une formule d'états généraux des acteurs sociaux, non politiques, ni légalistes, autochtones et allochtones, précédés là aussi de constats réalistes de la situation et de propositions de solutions et de moyens nécessaires pour y parvenir semble appropriée. Policiers, travailleurs sociaux, éducateurs et créateurs d'emploi et d'économie doivent y être impliqués en collégialité. Devant l'urgence, la particularité et l'acuité de la situation, on ne peut moralement pas attendre à court terme une démarche pancanadienne. La responsabilité et l'initiative de cette démarche sont de toutes évidences celles de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador et des communautés locales avec le soutien gouvernemental.

Sans ce courage d'agir simultanément aux deux niveaux, nos propos ne sont que boniments pour la galerie et sparages de façade.