Aujourd'hui, des milliers de membres des Premières Nations vont descendre dans la rue et se mobiliser pour dénoncer le peu de place laissée aux enjeux autochtones depuis le début de la campagne électorale fédérale. Ce n'est pas la première fois que nous, les chefs des Premières Nations, dénonçons le silence à l'égard de nos enjeux pendant une campagne électorale. Mais, cette année, nous le dénonçons avec encore plus de vigueur, et voici pourquoi.

Bien que plusieurs de nos revendications perdurent depuis trop longtemps, depuis dix ans, la liste des enjeux critiques s'allonge et ceux-ci exercent une pression accrue, non seulement sur nos communautés, mais sur l'ensemble de la société canadienne. En tête de cette liste : le scandale des femmes autochtones assassinées ou disparues, l'écart grandissant entre nos conditions socioéconomiques et celles de l'ensemble des citoyens canadiens, le sous-financement de nos systèmes d'éducation, la pénurie de logements dans nos communautés, les centaines de revendications territoriales non réglées... Je pourrais continuer encore longtemps.

Certains diront qu'on a beaucoup parlé des autochtones durant cette campagne fédérale. Vrai. Il a beaucoup été question de la participation des autochtones aux élections et de la possible balance du pouvoir qui s'y rattache. Par contre, trop peu à mon sens a été dit au sujet de nos enjeux. Force est de constater que nous demeurons invisibles aux yeux des aspirants dirigeants de ce pays.

Faudrait-il que les autochtones se mettent à se couvrir le visage pour devenir visibles dans cette campagne ?

Le peu de votants autochtones des dernières élections y est sans doute pour quelque chose, mais comment ne pas sombrer dans le cynisme devant le constat accablant d'un bilan anémique face aux enjeux des Premières Nations au pays ? Le gouvernement canadien est pourtant bien au fait de la situation et des responsabilités auxquelles il doit faire face immédiatement.

On n'a qu'à penser au rapport de la Commission vérité et réconciliation relative au sort des enfants dans les pensionnats indiens, ou au récent rapport onusien sur les droits de l'homme qui mettait l'accent sur les femmes autochtones tuées ou disparues. À eux seuls, ces enjeux devraient occuper une place prépondérante dans les préoccupations et les discussions électorales.

Ajoutons à ceci les nombreux rapports sur les conditions de vie exécrables dans certaines communautés, l'accès défaillant à des soins de santé adéquats, la malnutrition, l'analphabétisme, le manque de ressources en éducation, l'exploitation de nos territoires sans notre consentement, l'augmentation incessante de l'itinérance des autochtones dans les grandes villes, etc. Les politiciens fédéraux ont tous ces faits sous les yeux et doivent se pencher sur des pistes de solution. Il ne manque que l'intérêt et la volonté politique.

Pourquoi exige-t-on une plus grande place dans cette campagne électorale ? Parce que nous voulons susciter une volonté politique de la part d'un ou des partis politiques.

Il ne suffit plus de souligner la question du faible taux de vote des autochtones pour expliquer les manquements passés. Il faut maintenant que les candidats prennent le temps de nous dire pourquoi voter en précisant une fois pour toutes les solutions qu'ils souhaitent apporter concernant nos enjeux.