Cet Orient si compliqué que le général de Gaulle évoquait en 1929 n'a pas beaucoup changé. Les tergiversations et l'incapacité occidentale de venir à bout du groupe État islamique et du chaos qui s'installe toujours davantage dans la région le confirment. On croyait la crise syrienne bien lointaine, malgré les attentats terroristes en Europe et ailleurs « inspirés » par l'idéologie de l'islam radical, mais voilà qu'elle s'affiche quotidiennement dans les médias par l'arrivée de réfugiés en Europe et par son intrusion dans la campagne électorale au Canada.

À voir les difficultés européennes à s'unir face à cette vague migratoire imprévue, et maintenant par l'intervention militaire russe en Syrie, on peut s'interroger sur l'avenir d'une crise qui n'en finit plus et qui s'étend.

Heureusement, le contexte de l'Assemblée générale des Nations unies semble inciter les grandes puissances à chercher, à nouveau, une solution pour mettre un terme à cette catastrophe qui se transporte désormais sur le territoire de certaines d'entre elles.

Que penser de l'implication directe des forces russes en Syrie? On rapporte que Moscou, tout en accentuant son appui à Bachar al-Assad, en bombardant désormais les groupes qui se battent pour le renverser, travaillerait à trouver une solution politique à la guerre civile. Nouvelle piste de solution ou simple opportunisme? Se dirige-t-on vers un scénario où les États-Unis et ses alliés attaquent l'EI et les Russes, les autres groupes djihadistes, en espérant leur reddition puis le retour à la paix ?

Étrange stratégie qui ne fera que ruiner davantage la Syrie, accroître le flot de réfugiés et enflammer l'opposition djihadiste. Les frappes alliées n'étant guère concluantes jusqu'à maintenant.

Bachar al-Assad est la cause principale de ces centaines de milliers de morts et de blessés, ces millions de réfugiés et ces destructions sans fin. Tout cela parce qu'il croyait, comme son père l'avait fait, qu'employer la manière forte mettrait un terme au début de printemps arabe en Syrie. Cela ne fut pas le cas et l'opposition au régime s'est développée en révolte armée sur presque tout le territoire du pays.

Ce sont les Iraniens, leurs alliés libanais ainsi que la Russie qui gardent le régime en vie. Le territoire contrôlé par le gouvernement syrien diminue comme peau de chagrin. La minorité alaouite doit se poser des questions sur son avenir avec pareil dirigeant. Les Russes, qui ont sans doute été sollicités à de nombreuses reprises pour intervenir militairement, ont dû finalement s'y résoudre pour sauver le dictateur à Damas. Cette implication russe ne vise pas vraiment à mieux la positionner dans le monde arabe, à majorité sunnite. Il s'agit plutôt, à mon avis, d'un geste désespéré et sans doute futile pour sauver un allié de longue date, isolé et complètement coupé de la réalité sur le terrain.

Penser que c'est en gardant al-Assad en place que l'on résoudra le conflit et ramènera la stabilité dans toute la région est illusoire. Il n'a aucun soutien international, sauf celui mentionné précédemment, et aucune crédibilité auprès de la grande majorité de sa population, encore sur place ou en exil. Son leadership est un tragique échec. La Syrie est malheureusement devenue le terreau fertile où s'affrontent, par acteurs interposés, toutes les tensions et tous les intérêts nationaux de la région et au-delà.

Les efforts de solution devront immanquablement passer par le départ de Bachar al-Assad, dans un premier temps, et son remplacement par un gouvernement représentatif de la société syrienne, appuyé par la communauté internationale dans son ensemble. Un énorme travail pour reconstruire le pays (ou ce qu'il en restera) et faire revenir les réfugiés devra suivre. Les bombardements ne résoudront pas cette crise, à eux seuls. Ils ne réussissent qu'à limiter les progrès des diverses entités djihadistes.

Cela semble bien illusoire, mais il n'y a pas d'autre option pour éviter que l'hécatombe se poursuive et que l'islamisme radical gagne encore du terrain. L'autre approche serait un engagement militaire terrestre. Il semble exclu pour le moment. Bien que l'arrivée d'un éventuel président républicain à la Maison-Blanche ou une détérioration rapide de la situation, par exemple la chute de Damas, pourrait changer la donne. Diplomatie et patience seront nécessaires. L'histoire n'est pas un long fleuve tranquille.