Tout a commencé pendant mes études de premier cycle à la Faculté des arts, à l'Université d'Ottawa. Je venais d'avoir 18 ans et j'habitais toujours chez mes parents. Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait. J'ai appris plus tard que les vagues soudaines d'anxiété paralysante qui m'envahissaient de plus en plus souvent étaient des « crises de panique ».

Ça m'arrivait surtout à l'université : à la cafétéria, dans les corridors et même en classe. Mon coeur s'emballait, je me mettais à rougir et à transpirer, et j'avais l'impression de perdre le contrôle. J'étais convaincu que tout le monde autour de moi voyait que je « paniquais », ce qui aggravait encore plus mon cas.

J'ai commencé à éviter l'Université. Je ne venais au centre-ville que pour assister à mes cours et je retournais vite chez moi. J'ai commencé à perdre tout ce que j'avais de confiance en moi. Je ne me reconnaissais plus. J'ai laissé tomber mes activités et je m'éloignais de mes amis. Je me sentais de plus en plus isolé et déprimé. Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait et je ne savais pas comment m'en sortir. J'avais l'impression de ne pouvoir parler de cela à personne. Surtout pas à mes parents... Ils n'auraient jamais compris, pensais-je.

Je refusais d'admettre que j'avais un problème de santé mentale. L'idée même m'effrayait, et j'avais honte.

Ma soeur, qui venait de terminer ses études en sciences infirmières et avait quitté la maison, avait laissé un manuel de psychiatrie dans la bibliothèque familiale. J'ai trouvé dans le livre des passages qui semblaient décrire mes symptômes : névrose accompagnée d'anxiété et de dépression. Maintenant, je connaissais (ou je pensais connaître) la nature de mon problème. Mais je n'avais toujours pas de solution.

J'ai souffert en silence pendant des semaines, misérable et seul. Jusqu'à ce que je me retrouve un jour au deuxième étage du pavillon Simard, à regarder les étudiants dans le hall d'entrée entre deux cours. J'ai alors senti une énorme bouffée d'anxiété et une immense solitude m'envahir. Je me suis juré à ce moment-là de faire quelque chose, n'importe quoi, pour m'en sortir.

J'ai feuilleté les Pages jaunes sous la rubrique « psychiatres » et j'y ai trouvé une liste de dix ou douze noms. Il m'a fallu plusieurs jours et beaucoup de courage pour appeler ces personnes. J'ai finalement composé les numéros un à un, racontant ma détresse à la réceptionniste et lui demandant un rendez-vous. Ces professionnels étaient tous trop occupés, sauf un, qui a répondu au téléphone lui-même. Il a écouté mon vibrant appel à l'aide et m'a donné un rendez-vous dès le lendemain. Je me souviens de l'énorme soulagement ressenti alors, du simple fait de savoir que j'allais enfin pouvoir parler à quelqu'un de mon secret.

J'ai vu le psychiatre une fois par semaine pendant plusieurs mois. Je n'en ai parlé à personne, surtout pas à mes parents. Ses services n'étaient pas couverts par l'assurance-maladie, et il demandait normalement 90 $ la visite, des frais que je ne pouvais absolument pas payer. Dans un élan de bonté, que je considère comme remarquable encore aujourd'hui, il a accepté de me voir gratuitement. (Bien des années plus tard, quand je pratiquais le droit à Toronto, je lui ai envoyé un chèque accompagné d'un mot de remerciement en exprimant le souhait que ma contribution lui permette de recevoir un jour un autre client en détresse qui n'aurait pas les moyens de le payer.)

Dans l'année qui a suivi, grâce à son aide et à ses conseils, j'ai retrouvé mes sens et mon jugement. J'ai commencé à sortir de mon isolement. J'ai recommencé à voir des amis, lentement et graduellement, et à participer à la vie universitaire. J'ai appris à mieux me connaître grâce à des conseils qui m'ont aidé à grandir et à m'épanouir comme individu.

Ça n'a pas été facile pour moi d'obtenir de l'aide. Et j'ai été très chanceux de tomber sur une personne aussi généreuse qui a véritablement transformé ma vie.

Bien des années ont passé depuis.

Le monde et l'Université ont bien changé, mais certaines choses demeurent : l'anxiété, la dépression et d'autres troubles de santé mentale sont encore très fréquents en milieu universitaire.

Je sais à quel point ces difficultés sont pénibles et troublantes.

Mais sachez que vous n'êtes pas seuls.

L'un de ces changements pour le mieux est l'offre considérablement élargie de services d'accompagnement psychologique confidentiels sur les campus. Toute personne qui en sent le besoin peut demander une évaluation rapide par un conseiller.

N'essayez pas de surmonter vos difficultés ou de chercher un traitement par vous-même. Profitez plutôt des excellents services d'aide mis à votre disposition.

Surtout, ne souffrez pas seul dans votre coin. Quand j'ai enfin reçu l'aide dont j'avais besoin, cela a fait une énorme différence. Avec le temps, mes symptômes se sont estompés, puis ont disparu pour ne plus revenir.

Je vous en prie, n'hésitez pas à demander de l'aide. Il suffit d'un coup de fil.