La tragédie humaine qui s'aggrave de jour en jour pour des milliers de réfugiés aux frontières de l'Europe a secoué le Secrétaire général de l'ONU.

Considérant l'ampleur de la crise et le besoin urgent d'une approche à l'échelle internationale, Ban Ki-moon a décidé de convoquer, le 30 septembre, une « réunion spéciale » au siège de l'ONU, profitant de la présence de nombreux dirigeants du monde rassemblés à New York pour l'ouverture de l'Assemblée générale.

La « réunion spéciale » aura lieu en marge d'un agenda déjà très chargé des chefs d'État et de gouvernement. Il est sans doute illusoire d'anticiper que les discussions auront un impact décisif sur la situation actuelle.

Cependant, ils devraient reconnaître que seules des solutions politiques et des actions de solidarité au niveau mondial seraient à même d'avoir un impact positif pour débloquer la présente impasse.

À moins de rêver en couleurs, il est malheureusement peu vraisemblable qu'une résolution diplomatique du conflit syrien se manifeste dans le proche avenir.

L'hypothèse la plus réaliste est que le nombre de réfugiés, notamment ceux fuyant vers l'Europe, atteindra plus d'un million d'ici la fin de 2015.

Depuis bientôt cinq années, les pays voisins de la Syrie, soit le Liban, la Turquie, la Jordanie et l'Irak, ont généreusement accordé l'asile à plus de quatre millions de réfugiés. À ce jour, à peine un tiers des fonds nécessaires pour assister ces pays, estimés à plus de cinq milliards de dollars, ont été reçus. Ce n'est donc pas surprenant de constater que plusieurs réfugiés décident de « voter avec leurs pieds » et risquent le turbulent voyage vers l'Europe.

Malgré les doutes sur la capacité d'action du système onusien, un certain nombre d'initiatives peuvent, et doivent, être prises pour mieux répondre aux besoins de sauver des vies et d'assurer un accueil décent pour les réfugiés.

En premier lieu, le Conseil de sécurité de l'ONU devrait approuver la création d'une force navale, dont la tâche serait d'intercepter les fragiles embarcations affrétées par les réseaux de « passeurs », lesquels exploitent en toute impunité la misère des requérants d'asile.

Sur la base d'une proposition de l'Union européenne, un tel dispositif est présentement négocié au sein du Conseil de sécurité. La force maritime, sous le couvert de l'ONU, devrait aussi être mandatée pour servir de plateforme logistique pour loger les réfugiés en fuite et les acheminer, en toute sécurité, vers des centres de transit en Europe.

De plus, pour stimuler un véritable élan de solidarité mondial, le Secrétaire général de l'ONU devrait suggérer l'organisation, dans les plus brefs délais, d'une conférence internationale sur les réfugiés provenant en particulier du Moyen-Orient et aussi d'autres zones de conflit.

Une telle conférence avait été convoquée en 1979 pour répondre à l'afflux massif de réfugiés de la mer, originaires du Viêtnam, du Cambodge et du Laos. Ce fut un succès. À la suite des offres de réinstallation promises à l'époque par plusieurs pays, près de 500 000 réfugiés ont été admis, aux quatre coins du monde, dans les 18 mois suivant la tenue de la conférence.

Il est vrai que l'environnement est différent dans le monde d'aujourd'hui. Il y a, semble-t-il, un déficit d'appétit de la part des dirigeants politiques pour exprimer avec force une volonté d'ouvrir la porte aux personnes qui cherchent à s'extirper des conflits armés et autres formes de persécution.

Si les arguments rationnels pour mobiliser la communauté internationale sont insuffisants, l'ONU devrait inviter, à titre d'ambassadeur de bonne volonté, Abdullah Kurdi, le père syrien, dont les deux fils ainsi que son épouse, ont tragiquement péri, début septembre, au large des côtes de la Turquie.

La photo du fils cadet, Aylan, gisant sur une plage, a bouleversé le monde. Aujourd'hui, la voix de son père, malgré le deuil qui l'affecte, serait un précieux témoignage pour convaincre que le temps de l'action est venu.