En écoutant un collègue parler d'enseignement à la radio, l'autre matin, je me disais que nous sommes encore très loin de faire reconnaître à sa juste valeur la profession d'enseignant.

Certes, il m'apparaît important que l'enseignant témoigne de sa passion pour les élèves, pour l'enseignement, pour le parascolaire, pour les élèves plus « poqués », mais j'ai l'impression que l'utilisation exagérée du terme « passion » galvaude un autre terme qui serait plus évocateur pour la reconnaissance de l'enseignant : le professionnalisme.

Le professionnalisme évoque davantage les qualités et les aptitudes nécessaires pour être compétent dans une activité, en l'occurrence l'enseignement. À l'inverse, la passion est une condition affective et intellectuelle qui parfois domine trop la raison. Bien sûr, il m'arrive de parler avec passion d'un sujet avec les élèves, mais ce n'est pas ce qui m'anime en enseignant, et surtout, ce n'est pas ce qui me définit.

Les principes qui définissent mon enseignement sont davantage influencés par le désir de transmettre des connaissances pour permettre aux élèves d'avoir une meilleure compréhension de la société et, par conséquent, d'en faire une lecture plus intelligible.

Je crois sincèrement que toutes les disciplines enseignées dans le curriculum scolaire concourent à cet objectif. Il faut toutefois comprendre que le don de soi ou la passion sont des conditions nécessaires, mais non suffisantes à l'atteinte d'un tel dessein.

Les enseignants doivent essentiellement être compétents, rigoureux et surtout, épaulés par des professionnels et par du personnel de soutien, comme les orthopédagogues, les travailleurs sociaux, les techniciens en éducation spécialisée, les psychoéducateurs, les orthophonistes et les psychologues. Et il nous les faut en pleine santé ! Les troubles liés au stress et à l'épuisement professionnel sont encore trop nombreux en enseignement.

La passion, je veux bien. Mais ce n'est pas celle-ci qui convaincra l'opinion publique de reconnaître notre professionnalisme et notre dévouement pour le bien-être des élèves.

Le gouvernement Couillard est plus qu'heureux d'entendre que c'est la passion qui guide notre volonté d'enseigner. Les heures supplémentaires que doivent consacrer la plupart de mes collègues dans la préparation de cours, le soutien et le suivi des élèves, les projets parascolaires et la correction ne sont pas la volonté d'une passion excessive pour l'enseignement, mais le résultat de compressions budgétaires qui forcent les enseignants à répondre à d'autres exigences plus ou moins pertinentes.

Conséquemment, l'enseignant se retrouve devant un dilemme insoutenable : s'investir par professionnalisme ou laisser en plan les élèves, faute de temps et de reconnaissance. Et que dire des classes surchargées dans lesquelles on retrouve un nombre considérable d'élèves en difficultés d'apprentissage ? Est-ce la passion qui permettra à l'enseignant d'exercer sa profession avec rigueur dans de telles conditions ?

Le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, est enchanté d'entendre que la passion nous anime, car la passion constitue un sacré beau moteur qui nous fait avancer comme société, sans que ça nous coûte trop cher. Bien évidemment ou heureusement, les enseignants laissent rarement en plan les élèves, mais malheureusement, le gouvernement Couillard abuse de cet altruisme.

Pourquoi ne pas mettre au premier plan le professionnalisme des enseignants et leurs compétences disciplinaires comme des atouts pour convaincre les parents et la population qu'il vaut la peine de soutenir les revendications des enseignants ?