Depuis la Confédération, la politique fédérale canadienne a été dominée par deux grands partis fédéraux : le Parti conservateur et le Parti libéral. Toutefois, pour la première fois depuis des générations, un homme a l'opportunité de mettre fin à cette dichotomie : Thomas Mulcair.

Dès son arrivée à la tête du NPD, il a lentement déplacé son parti vers le centre, terrain historique du PLC. Ce déplacement ne s'est pas fait sans risque. L'extrême gauche du NPD s'est révoltée lorsqu'il a voulu enlever le mot « socialisme » de la constitution du parti, mais il leur a tenu tête. Lors du récent conflit entre Israël et le Hamas, il a été nuancé dans ses propos, au grand désarroi de l'aile anti-israélienne de son parti. Tout récemment, il a annoncé qu'un gouvernement du NPD allait équilibrer le budget fédéral dès sa première année au pouvoir ; un choc pour ceux qui tentent de combattre la prétendue « austérité ».

M. Mulcair et son équipe ont étudié la population canadienne et les résultats de la dernière campagne électorale. En 2011, le Parti conservateur a récolté plus de 5,8 millions de votes et presque la moitié des intentions de vote des Canadiens, si on exclut le Québec. Le Parti libéral a récolté presque 2,8 millions de votes. 

S'il veut former un gouvernement majoritaire, M. Mulcair n'a qu'un chemin possible : convaincre plusieurs électeurs du centre et même de centre droit de voter pour lui.

Cet effort de modernisation du NPD ressemble étrangement à ce qui s'est déroulé dans les années 90 en Angleterre avec le Parti travailliste. À l'époque, Tony Blair avait été élu à la tête des travaillistes (l'équivalent du NPD canadien) sur le thème du « New Labour ». L'idée était de ramener le parti vers le centre, notamment en acceptant les bénéfices du libre marché et de la responsabilité fiscale. Bref, de rendre les travaillistes plus acceptables et attrayants aux yeux de l'électorat plus centriste. Cette réforme a coupé l'herbe sous le pied des libéraux démocrates et a permis aux travaillistes de rester au pouvoir pendant plus de 13 ans.

En parallèle à cette transformation, Justin Trudeau a décidé d'abandonner le terrain historique du Parti libéral : le centre. En acceptant d'avoir des déficits pour les premières années de son mandat, il a délaissé l'héritage de son parti, notamment celui de Paul Martin. De plus, l'annonce du NPD de son intention de continuer à équilibrer le budget a placé les libéraux à gauche sur l'échiquier politique, une position inhabituelle pour le PLC.

Les positions environnementales plus nuancées de M. Mulcair lui ont aussi permis de faire des gains chez une autre clientèle historiquement libérale : les Canadiens centristes qui croient à l'importance économique du secteur des ressources naturelles, mais qui veulent le respect de l'environnement. À vouloir trop parler d'environnement, M. Trudeau a encore délaissé une autre partie de sa base à M. Mulcair.

Ce qui est ironique avec cette campagne électorale, c'est que le mouvement conservateur rêve de détruire le PLC depuis des décennies, mais au bout du compte, c'est la gauche et non la droite qui va achever les libéraux.