Nous vivons dans un pays où il n'est pas prioritaire d'entendre le point de vue des femmes. C'est la conclusion que nous tirons devant le refus du premier ministre sortant et du chef du NPD de débattre d'enjeux qui concernent les femmes.

Le recul de la représentation politique des femmes, depuis quelques années, est inquiétant et, au lieu de s'en préoccuper, au lieu de placer ce sujet au centre de leur campagne électorale, voilà que nos politiciens désertent.

Si le premier ministre Harper ne souhaite pas participer à ce débat, il faudrait au moins que les autres chefs de parti occupent l'espace public pour dénoncer l'absence de vision égalitaire du gouvernement actuel et les conséquences qui en découlent. Selon l'article de la journaliste canadienne Zi-Ann Lum, paru le 24 août dernier dans le Huffington Post Canada, et la CBC, le dernier débat portant sur les enjeux féminins a été tenu en... 1984.

Est-ce que la situation des femmes au Canada, depuis, s'est tellement améliorée qu'il ne vaille plus la peine d'en parler ? Nos aspirants au poste de premier ministre croient-ils que le sort des femmes autochtones, les coupes dans les programmes destinés à la promotion de l'égalité, les inégalités systémiques et le recul des femmes à la Chambre des communes sont des affaires classées ? Non, l'égalité de fait n'est pas atteinte et les femmes sont bien peu visibles dans les débats. Nous le déplorons.

La politique est un lieu de stratégies. Quand il est temps de profiter du vote féminin, on sort le grand jeu. Par exemple, les crédits d'impôt et les mesures de conciliation travail-famille ont tout pour plaire à l'électorat féminin. Plus ça change, plus c'est pareil : on a jadis accordé le droit de vote aux femmes, sans doute pour la bonne cause, mais aussi parce qu'on avait grand besoin de leurs voix.

Nous sommes en 2015. Les femmes ne se contenteront pas de prestations pour enfants. D'autres sujets doivent être abordés, et le temps est venu de faire face à la musique.

L'éléphant au milieu de la pièce, c'est le manque criant de femmes au Parlement et le fait que les enjeux d'égalité ne mobilisent plus l'attention.

Le gouvernement fédéral compte trop peu de femmes et ne se soucie pas d'en augmenter le nombre. Il préfère, semble-t-il, se préoccuper de « sécurité » et faire des coupes dans les programmes qu'avait fait naître le progressisme social jadis si cher au Canada et au Québec. Ce progrès social, c'est pourtant ce qui a, en grande partie, amené les femmes à s'intéresser à la politique et à s'y impliquer. Or, moins de progressisme, cela veut malheureusement dire moins d'égalité. Voilà bien un enjeu essentiel.

Au Québec, la situation n'est pas rose non plus. Le gouvernement actuel affiche l'un des plus bas taux de féminisation du Parlement, une institution qui a perdu l'expertise de Fatima Houda-Pepin, pourtant essentielle actuellement, tout comme il vient de perdre l'ex-ministre Marguerite Blais. Celle-ci a bien pris soin de souligner qu'on ne lui proposait pas de défis. Le gouvernement Charest était, il va sans dire, loin de faire l'unanimité, mais les femmes y occupaient une place, ce qui indique qu'en politique (canadienne ou québécoise), le souci d'égalité tient plus à la bonne volonté d'un individu qu'à des principes institutionnalisés.

C'est de cela qu'il faudrait débattre, en cet automne électoral. Voilà un beau sujet pour nos politiciens. La formation Up For Debate, une coalition de 175 groupes de femmes canadiens, exige que les politiciens se prononcent (sur le peu de femmes en politique, sur les enjeux d'égalité, sur les conditions de vie des femmes autochtones, etc.) pendant la campagne électorale. Que le premier ministre Harper ne juge pas cela assez intéressant pour débattre en dit long sur ses idées, sur sa façon de gouverner et, surtout, sur son peu d'égard envers les citoyennes canadiennes.