L'an dernier, un militant LGBT de la Serbie en visite à Montréal pour la Fierté a passé sept jours enfermé dans sa chambre d'hôtel. Il était sous le choc de voir que nous avions la chance de nous tenir par la main, ici.

Il a ensuite déposé une demande de statut de réfugié.

Je suis fière de raconter cette histoire parce qu'elle en dit long. Je suis tellement fière des avancées importantes obtenues au gré des luttes de la communauté LGBTQ. Montréal peut se targuer d'être une ville ouverte sur la diversité sexuelle et de genre. Dans le Village et ailleurs au Québec, en cette semaine de la Fierté, nous célébrons ensemble le chemin parcouru.

Cette année, des invités internationaux partageront leurs expériences, leurs victoires, leurs histoires d'horreur. Ces dernières ne manquent pas. Dans les journaux, à la télévision, j'ai vu des gens se faire battre pour s'être tenu la main en Russie. J'ai lu sur les agressions armées dans la parade de la fierté de Jérusalem et en Ukraine. J'ai entendu parler du traitement réservé aux personnes supposément gaies par le groupe État islamique.

Il n'y a pas si longtemps, le Québec tolérait lui aussi l'homophobie et l'injustice. Nous commémorons cette année le 25e anniversaire de la descente policière au Sex Garage, à Montréal. Ce soir-là, des gens venus pour s'amuser se sont plutôt fait brutalement attaquer par des membres homophobes du corps policier.

Les injures, la discrimination et l'intolérance font partie du quotidien pour les gens de nos communautés dans plusieurs pays. Ici, nous avons encore du pain sur la planche. Des jeunes hésitent encore à faire leur « coming out » ou sont victimes d'homophobie et de transphobie à l'école, dans les sports, dans la rue. Des agressions ont même lieu. Je n'ai pas oublié celle contre des femmes lesbiennes au centre-ville de Montréal, en novembre 2013.

Pour moi, la Fierté est un grand moment de solidarité envers les communautés persécutées à l'international, mais aussi celles qui sont encore victimes de discrimination, ici.

Je pense surtout aux personnes intersexes et transgenres, dont les réalités sont méconnues. Un bon texte de Luc Boulanger publié dans ces pages, « Le prochain combat », lundi dernier, identifie la transphobie comme la prochaine cible du mouvement LGBTQ. Comme le souligne M. Boulanger, le « coming out » de certaines personnalités américaines a sans doute abattu bien des barrières. Mais il ne faut pas non plus éclipser le travail sans relâche de la communauté trans du Québec, qui réclame depuis longtemps des actions concrètes de la part du gouvernement provincial pour réaliser l'égalité juridique des personnes trans.

Le projet de loi 35, adopté en fin de session parlementaire 2013, amende l'article 71 du Code civil pour permettre aux personnes transgenres de modifier leur mention de sexe à l'état civil sans avoir à passer sous le bistouri. Même si le projet de loi aurait pu être amélioré, car on n'y aborde pas la question des personnes immigrantes en attente de statut ni les personnes mineures, il représente un pas dans la bonne direction.

Presque deux ans plus tard, la réglementation qui permettra de concrétiser le projet de loi 35 n'a toujours pas été déposée. La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, m'avait pourtant affirmé qu'elle le serait avant les vacances. Je ne doute pas de sa bonne volonté dans le dossier, mais qu'en est-il de ses collègues ? Le Conseil des ministres s'est rencontré encore cette semaine, le décret aurait pu être adopté. Qui bloque le règlement rapide de cette situation intolérable qui s'éternise ?

Je suis prête à rencontrer chacun de ses membres, un par un. Avec Esteban, Marine Chantale, James, Danielle, des gens qui n'attendent que l'adoption d'une réglementation pour commencer l'école ou pouvoir enfin retourner au travail avec leur identité de genre reconnue.

Il n'y pas de quoi être fier du retard accusé par le gouvernement. La reconnaissance des droits de ces personnes reconnues par la Charte de droits et libertés a assez attendu. Après la célébration vient le temps de l'action !