Peu de gens savent qu'au moment où la Seconde Guerre mondiale se terminait, Montréal fut à l'avant-garde de la recherche scientifique dans le domaine du nucléaire et contribua à mettre fin à cette guerre par sa contribution au projet Manhattan.

Commençons par ces cinq demandes de brevets soumises, en 1939, en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis, par Joliot, Prix Nobel, et ses coéquipiers Alban et Kowalski. Ces demandes portent à la fois sur l'utilisation de l'énergie nucléaire pour la production d'électricité et sur la conception d'une bombe atomique. La demande pour la production d'électricité à partir de l'énergie nucléaire fut d'ailleurs rejetée par le U.S. Patent Office : « not to give undue advantage to the French » !

En 1940, à la suite de l'invasion de la France par l'armée allemande, Alban et Kowalski, naturalisés français, s'échappent vers l'Angleterre, emmenant avec eux les seuls 185 kg d'eau lourde existant dans le monde. Ils rejoignent, à Cambridge, les chercheurs britanniques travaillant sur les applications de l'énergie nucléaire.

En 1942, les chercheurs français et anglais de Cambridge sont transférés à Montréal, se joignant aux Canadiens également en nucléaire ; ils occupent la partie ouest du bâtiment de l'Université de Montréal.

Le physicien français Alban dirige le groupe qui oeuvre à la fois sur le développement d'un explosif nucléaire et sur la conception du réacteur atomique qui, installé plus tard à Chalk River, sera opéré sous la direction de Kowalski. Les travaux sont basés sur les travaux antérieurs de Joliot, Alban et Kowalski et ce premier réacteur de Chalk River utilisera les 185 kg d'eau lourde qui avaient échappé à l'avancée allemande de 1940.

De plus, ce réacteur nucléaire de Chalk River sera le premier de la filière canadienne CANDU de réacteurs nucléaires. À noter que la majorité des centrales nucléaires américaines utiliseront également l'eau lourde comme ralentisseur de neutrons, plutôt que le graphite utilisé par Fermi dans le pilote atomique américain.

En 1943, à la suite de l'entrée en guerre des États-Unis, Churchill et Roosevelt signent l'Accord de Québec, qui se traduit par l'intégration au projet Manhattan du groupe de spécialistes de Montréal dans l'application militaire et civile de l'énergie nucléaire.

D'ailleurs, sur un des murs du bâtiment central de l'Université de Montréal se trouve une plaque qui donne la liste des chercheurs du groupe de Montréal associés au projet Manhattan. Cette plaque a été inaugurée le 17 mai 1962 par le prince Philip d'Angleterre.

Un de ces noms est celui du physicien canadien-français Pierre Demers qui, à 100 ans, est aujourd'hui, en 2015, toujours actif dans la recherche scientifique. Avant de se joindre au groupe de Montréal, le professeur Demers avait travaillé à Paris avec Joliot, Alban et Kowalski et d'autres chercheurs en fission nucléaire.