Ces jours-ci, on fait beaucoup de cas du nombre de médecins qui ont franchi le Rubicon en délaissant le public pour aller pratique leur art dans le privé. Beaucoup d'encre pour 51 médecins sur 19 000 qui, en 6 mois, ont fait le saut. Au global, depuis les 10 dernières années, on en compte 348.

Ce nombre représente 1,8 % des médecins du Québec pour cette même période. On est loin ici d'un exode massif. Les raisons de ces défections sont multiples et ne peuvent être attribuées au seul fait que notre ministre de la Santé ait décidé d'ébranler les colonnes du temple de la culture médicale québécoise.

On ne peut nier que certains médecins ont réagi avec émotion, préférant ne pas laisser la poussière retomber avant de prendre leur décision. D'autres vivent difficilement avec le fait que notre système de santé ne soit pas à la hauteur - listes d'attente qui ne s'amenuisent pas, manque de ressources de tout acabit, fermeture de lits et de plateaux techniques, difficulté d'obtenir un rendez-vous avec un médecin, etc. - et décident dès lors de flirter avec la médecine privée. Puis, il y a ceux dont une partie de leur pratique se fait dans le privé. On y retrouve, entre autres, des chirurgiens plasticiens, des dermatologues, des ophtalmologistes, des orthopédistes, des psychiatres, etc.

Là où le bât blesse, cependant, quand nous entendons et que nous lisons des commentaires du public, c'est que la très grande majorité des patients se sentent délaissés, voire trahis, par leur médecin.

Et on peut les comprendre. On met toute notre confiance en « notre docteur » parce que notre santé est notre bien le plus précieux. 

Aucun patient ne devrait devenir un orphelin de la profession médicale parce que son docteur est contraint de subir les propos et les actions d'un ministre qui a décidé, à tort ou à raison, de les mettre au pas.

Les médecins doivent savoir que leur décision de migrer vers le privé vient avec l'obligation pour eux, comme le prévoit leur code de déontologie, de s'assurer que chaque patient sur leur liste soit pris en charge par un collègue avant de tenter l'aventure. Les besoins de la population doivent primer. Le patient doit être au coeur du système. Mais l'est-il vraiment ? Faisons le nécessaire pour qu'il le soit.