Docteur Barrette,Tout comme vous, j'anticipe avec beaucoup d'enthousiasme la réforme du système de santé que vous avez entreprise. En effet, les Québécois méritent mieux que ce qu'ils ont présentement. Toutefois, permettez-moi d'avoir des doutes.

Je pratique la médecine depuis 34 ans. Je suis en fin de carrière et je me suis réorienté vers les soins palliatifs à domicile en CLSC. Je suis en poste depuis moins de six mois et, déjà, je constate des lacunes importantes qui risquent de faire dérailler votre réforme, du moins au CLSC où je pratique.

Nous sommes 12 médecins à y travailler et toutefois, nous n'avons qu'une seule secrétaire et une nouvelle employée qui travaillera seulement trois jours sur cinq. Il va sans dire que la seule secrétaire que nous avons ne suffit pas à la tâche. Ceci a des conséquences désastreuses sur notre performance et notre capacité à soigner des malades. Cette lacune majeure nous force à faire du travail qu'une secrétaire médicale compétente pourrait facilement accomplir.

Je dois perdre par exemple cinq minutes pour faxer moi-même mes documents. Je suis responsable de sortir des archives les dossiers des patients du jour. D'ailleurs, contrairement à ce que vous pouvez croire, ces derniers ne sont toujours pas informatisés.

Je pourrais continuer longtemps à énumérer toutes les tâches que je suis forcé de faire, mais, en bref, je croule sous la paperasse au lieu de m'occuper des malades.

J'aimerais également avoir le soutien des infirmières, mais ces dernières sont débordées par toutes les tâches qui leur sont attribuées et qui les empêchent de travailler en tandem avec nous pour nous permettre de multiplier le nombre de patients que nous voyons. En clair, elles sont en nombre insuffisant. De plus, ce sont elles qui doivent vider leurs poubelles. Croyez-vous que c'est raisonnable ?

Je vous écris pour vous signaler ce qui se passe, car je suis alarmé par ce que je vois. Si ce qui se passe dans mon CLSC est le reflet de ce qui se passe à plus grande échelle, votre réforme est vouée d'avance à l'échec. Je ne suis pas le seul à penser ainsi, mais je suis peut-être un des rares à prendre la plume pour l'exprimer. Sans le soutien de nos infirmières et de notre personnelde bureau, on n'y arrivera pas.