Lors de son interrogation par la police, Dylann Roof, l'auteur de la tuerie de Charleston, a affirmé qu'en tuant des Afro-Américains dans un lieu de culte, il désirait engendrer une guerre raciale aux États-Unis. Cette affirmation rappelle la trame narrative de la bible de l'extrême droite américaine, The Turner Diaries, un roman ayant inspiré les actions de Timothy McVeigh lorsqu'il avait fait exploser un édifice fédéral à Oklahoma City en 1995. McVeigh avait pris non seulement l'idée, mais aussi la recette pour faire la bombe dans ce roman.

Publié en 1978 par William Pierce, le roman raconte comment, en 2099, l'Ordre, un groupe de « patriotes » blancs, combat le « Système », un complot mené par les juifs et leurs partisans de couleur qui ont pris le contrôle du gouvernement fédéral et qui ont commencé à désarmer la population.

Le récit est truffé d'actes de violence racistes, dont des massacres de membres proéminents de la communauté afro-américaine, afin d'attiser les tensions et ainsi provoquer la guerre raciale qui, selon Pierce, un membre fondateur de l'Alliance néonazie, permettra de libérer les États-Unis. S'il est impossible pour l'instant de savoir si l'auteur de la tragédie de Charleston a lu le livre, il reste que la proximité est inquiétante.

En 1998 au Texas, trois Blancs ont attaché un Afro-Américain à leur camion pour le traîner. Après leur arrestation, l'un d'eux avait affirmé vouloir accélérer la réalisation des Turner Diaries.

Des études récentes démontrent que, depuis le 11 septembre 2001, la violence de l'extrême droite fait plus de 300 attaques par année et a causé la mort de 254 personnes aux États-Unis, alors que le terrorisme « islamiste » aurait quant à lui fait une cinquantaine de victimes. Si 74 % des organismes de policiers ont effectué des opérations contre des groupes d'extrême droite durant cette période, seuls 39 % ont fait de même contre des groupes liés à la mouvance islamiste.

Selon les autorités policières, la vraie menace en termes de terrorisme vient donc de cette mouvance d'extrême droite.

Son discours mélange le millénarisme chrétien, le néonazisme et la résistance armée contre le gouvernement, le tout se retrouvant dans des écrits comme The Turner Diaries.

Pourtant, il semble que, dans les médias, il soit difficile de définir cette tragédie comme un acte terroriste. Le terrorisme est une méthode violente par laquelle un ou plusieurs individus tentent de faire passer un message afin d'influencer l'opinion publique ou l'action gouvernementale. La cible choisie l'est en fonction de son accessibilité et de sa valeur symbolique. Roof a lui-même admis son intention dans le choix de ses victimes. Celle-ci est par ailleurs clairement indiquée dans des romans comme The Turner Diaries, dont le contenu est aussi haineux et obscurantiste que ce que l'État islamique publie.

Pourquoi alors hésiter à qualifier la tragédie de Charleston d'acte terroriste ? L'hésitation vient du fait qu'une telle admission demanderait au gouvernement, aux médias et à la population de poser un véritable regard sur des enjeux difficiles comme le racisme, l'omniprésence d'armes à feu et de clivages socio-économiques majeurs. Pour l'instant, vu la polarisation politique, il y a peu de chances que des actions efficaces soient entreprises. La mine résignée du président après son discours sur la tragédie en disait long à ce sujet. Le terrorisme restera donc extérieur, le fait de l'étranger.