En attente à la caisse de la cafétéria, personne ne vient me servir. Finalement, après quelques instants d'attente, une caissière sort de son coin reculé à l'abri de la caméra pour enregistrer ma transaction. Elle avait mieux à faire : ses amis la textaient.

Dans un commerce, il y a toujours une action à poser : stocker, nettoyer, ranger, innover, créer, replacer, prévoir, planifier, améliorer, etc. Pourtant, les têtes baissées visionnant les écrans de téléphones intelligents deviennent monnaie plus que courante. On le fait sans retenue, comme si la seule présence au travail justifiait la rémunération. Un commis prend des photos de ce qui se passe dans la boutique et les partage rapidement sur Facebook. Est-ce du vol de temps ? Pourrait-il effectuer une tâche au lieu d'observer le temps qui passe ? Probablement, mais la consultation omniprésente du cellulaire fait maintenant office de réflexe instantané.

Dans un café, rue Saint-Denis, je tente de payer ma facture. Impossible : la caissière parle au téléphone. Elle me regarde, mais continue sa conversation. Aucune tentative de sa part de me faire payer tout en terminant sa conversation. Heureusement, un collègue arrive, elle le remercie et continue sa discussion de façon désinvolte.

Au cours du dernier trimestre, un étudiant s'est levé pendant que je donnais des explications et a répondu à son téléphone en marchant vers la sortie de la classe. Était-ce correct ? Plus personne ne se pose la question. Plus ridicule encore, cette étudiante universitaire qui répond à son cellulaire au moment où je commence mon cours. Quand je lui demande si je la dérangeais, elle m'a précisé : « je voulais juste lui dire que j'étais en cours et de m'envoyer des textos au lieu de m'appeler ».

Pour toutes les entreprises, l'accès infini au cellulaire génère des pertes de temps, surtout avec l'intégration des applications donnant accès aux réseaux sociaux. Une étude publiée par Deloitte précisait que Facebook générait des retombées économiques de 5 milliards au Canada. Évidemment, cette étude ne relevait pas une estimation des pertes de temps liées à la procrastination générée par ce catalyseur de contacts sociaux.

La première année où un ami a eu un téléphone intelligent, je trouvais ça irritant. Il était toujours en train de répondre à des messages ou des appels lorsqu'il était avec nous. Finalement, quelques années plus tard, j'ai été infecté ; je me sens nu sans ce téléphone. Ce que l'on reprochait aux autres jadis, on se le fait maintenant reprocher.

Au début, j'interdisais l'utilisation en classe, mais je me suis lassé. On passe son temps à interrompre le cours pour dire à un toxicomane des réseaux sociaux ou des messages textes de lâcher son téléphone.

La meilleure façon de les coincer ? Quand un étudiant tient sa tête inclinée vers le bas, en créant artificiellement un triple menton, les mains dans l'entrejambe, c'est rarement pour observer ses souliers.

Les entreprises pourraient faire signer des codes de déontologie à leurs employés en leur précisant qu'il est interdit d'utiliser des moyens de communication sur les lieux de travail à des fins personnelles. Une idée théorique, mais en pratique difficile à gérer et à appliquer. Évidemment, on doit ajouter à cette réflexion tout le principe de liberté individuelle. En somme, il faut sensibiliser au professionnalisme : l'approche coercitive serait difficile à appliquer.

Le monde du travail devra s'adapter à ce travailleur dont la moindre seconde de lassitude crée une dépendance à la communication omniprésente. Bon, combien de messages ai-je reçus pendant que j'écrivais ce texte ? Ah non ! J'ai manqué deux appels, trois messages textes et deux likes sur Facebook !