Le chirurgien a erré dans sa vieillesse, mais enlever le nom d'une rue à un Prix Nobel serait mal avisé.

Les étudiants de quatrième année de médecine de l'Université McGill qui se présentent en salle d'opération pour la première fois pour assister à une chirurgie aortique sont toujours très nerveux. Pour les détendre, je leur dis que je vais parler d'histoire.

Par exemple, je leur demande qui est né il y a 500 ans et grâce à qui je peux disséquer finement le corps humain et réussir une chirurgie avec succès. C'est Andreas Vesalius, of course ! Quand j'arrive à l'anastomose aortique, je leur demande: est-ce difficile d'obtenir un prix Nobel de médecine ? Oui, of course ! Est-ce que la connexion vasculaire entre l'aorte et le « greffon » que je suis en train de réaliser apparaît difficile ? Ç'a l'air facile, of course ! Je réponds : c'est bizarre, car cette technique « facile » a été inventée par Alexis Carrel, ce qui lui a valu le prix Nobel de médecine en 1912. Un prix Nobel pour quelque chose de facile à faire ! Wow ! Cette technique permet encore aujourd'hui de sauver des vies et des membres.

NOMBREUSES RÉALISATIONS

Je les aide à nommer d'autres réalisations du Dr Carrel : transplantation de rein, cultures tissulaires, création d'un hôpital de guerre en 1914 qui, grâce à la collaboration de Dakin, chimiste anglais, utilise pour la première fois la solution Dakin, un antiseptique puissant pour désinfecter les plaies et ainsi réduire les infections et amputations causées par les blessures de guerre, transfusions sanguines, etc. C'est presque mieux que le Dr Bethune...

Et qui était l'ami célèbre de Carrel et qui subventionnait certaines de ses recherches?

Charles Lindbergh, que tout le monde connaît, of course. Sais-tu que Lindbergh a reçu une médaille d'honneur des mains de Goering pour son admiration de l'Allemagne d'Hitler ? Of course not.

Alexis Carrel était probablement mégalomane, narcissique et il avait une pensée sociale immature et influençable. Mais nous ne pouvons agir comme les Parisiens l'ont fait en regard de sa mémoire.

Au tournant du siècle, la communauté médicale française n'a jamais reconnu ses travaux.

Plein d'amertume, il s'embarque pour Montréal en mai 1904 et présente une communication sur les sutures vasculaires au congrès de l'Association des médecins de langue française. Sa présentation fait sensation et il est recruté à l'Université de Chicago. Il sera en fait le premier Prix Nobel « américain ».

Lorsque j'arrive au ligament de Cooper, je demande toujours qui est James Fenimore Cooper ? Celui qui a découvert le ligament qui porte son nom, of course. Mais non, c'est l'auteur du Dernier des Mohicans ! Actuellement, une polémique existe aux États-Unis pour remplacer la figure du président Jackson sur les billets de 20 dollars, car on le tient avec raison responsable de l'extermination d'Amérindiens. Mais que seraient les États-Unis sans le Texas et la Californie, héritage qui appartient aussi à Jackson ?

Vesalius a obtenu des cadavres frais grâce à ses liens avec le maire de Padua, qui lui organisait des exécutions selon ses besoins ; Jackson est responsable de déportations d'Amérindiens et Carrel a erré dans sa vieillesse. Mais enlever le nom d'une rue à un Prix Nobel de médecine dont les inventions s'appliquent encore aujourd'hui serait mal avisé. Of course !