Stéphanie Grammond a bien décrit le mur auquel fait face tout client d'Hydro-Québec.

Ce problème, c'est l'absence d'un recours simple, gratuit, accessible, rapide, sans formalités, sans besoin d'un avocat, à un organisme impartial et indépendant dont le rôle premier est d'intervenir lorsqu'un citoyen ou client d'une telle société subit un préjudice à la suite d'un geste ou d'une inaction de celle-ci, ou est aux prises avec un problème de qualité des services. Or, ce recours existe au Québec depuis 1968, et c'est la plainte au Protecteur du citoyen !

Mme Nathalie Vachon, attachée de presse chez Hydro-Québec, a fait un vaillant effort pour nous convaincre que la Régie de l'énergie peut protéger les clients d'Hydro-Québec « au meilleur coût possible et avec un mécanisme efficace de traitement des plaintes ». Elle affirme que l'appel à cet organisme constitue un système qui fonctionne bien. Mais pour qui ?

Je n'ai aucun doute sur le bon fonctionnement de cet organisme dans l'exercice de sa compétence à l'égard des entreprises et sociétés du domaine de l'énergie. Mais, de par son rôle de tribunal et de régie, la Régie de l'énergie ne peut se comparer à un ombudsman. Qu'il suffise de se référer à la brochure de l'organisme, « Votre plainte à la Régie de l'énergie ; toutes les étapes pour bien vous préparer », qui explique en 20 pages comment le faire. Mentionnons les frais de 30 $ pour déposer la plainte, le passage sur « le choix d'être représenté par un avocat », où l'on explique que « le distributeur sera presque toujours représenté par un avocat » et que « la Régie ne paie pas les honoraires de votre avocat ». 

Quant au cheminement de la plainte, il comporte neuf étapes, dont le déroulement de l'audience, en passant par l'assermentation des témoins, leur témoignage, l'interrogatoire, le contre-interrogatoire par les parties et l'avocat de la Régie, les plaidoiries... 

Un système sans doute efficace pour les entreprises et Hydro-Québec, où les avocats (dont je suis...) sont particulièrement à l'aise !

SIMPLE ET GRATUIT

Le Protecteur du citoyen, lui, offre un recours simple, gratuit, sans formalités compliquées, qui fait lui-même sa propre enquête, rigoureuse et objective, et écoute toutes les parties concernées pour transmettre ses recommandations, dont 98 % sont acceptées, aux autorités concernées, afin qu'elles corrigent la situation le plus rapidement possible.

Quant à l'argument de l'attachée de presse voulant que « l'entreprise est visée par une loi qui lui est propre et est une société à volonté commerciale qui a son propre service à la clientèle », plusieurs des entités soumises à la compétence du Protecteur du citoyen sont aussi régies par leur propre loi constitutive, dont la CSST, la Régie des rentes et l'Autorité des marchés financiers. Ces entités agissent dans presque toutes les sphères de l'activité économique au Québec. 

De plus, la plupart de ces ministères, organismes et sociétés d'État se sont dotés, outre d'un service à la clientèle classique, d'un mécanisme interne de traitement des plaintes ouvert et efficace, qui relève des plus hautes autorités et agit à la manière d'un ombudsman interne. Ce qui n'empêche pas le recours au Protecteur du citoyen, qui peut toujours agir à la suite d'une plainte ou de sa propre initiative.

Les citoyens de l'Ontario et des autres provinces du Canada peuvent d'ailleurs s'adresser à leur propre ombudsman quant aux activités et services des sociétés équivalentes à Hydro-Québec.

Si la volonté politique est présente, il suffit d'ajouter un alinéa à la Loi sur le Protecteur du citoyen pour accorder ce recours simple et efficace aux clients d'Hydro-Québec. L'Assemblée nationale vient d'ailleurs de soumettre Hydro-Québec à la compétence du Vérificateur général, autre mandataire de celle-ci, qui en exerce aussi le pouvoir de surveillance et de contrôle. Les clients d'Hydro-Québec bénéficieraient alors de la même protection qu'ils ont à l'égard des ministères, organismes et sociétés d'État déjà sous la surveillance du Protecteur du citoyen.